Parler, non par « militantisme », mais par « responsabilité ». C’est ainsi que Rami Nofal, journaliste syrien d’origine druze, résume sa démarche. Mais aussi son chemin de croix.

À Toulon depuis 2020, cet homme de 45 ans demande le statut officiel de réfugié. Lors de notre rencontre il y a six mois, il évoquait ses espoirs d’une nouvelle vie, loin des bombes et du sang. « J’espère que la France ne me lâchera pas », nous confiait-il alors.

Journaliste de formation, Rami Nofal présentait le journal télévisé sur une chaîne d’État à Damas. Après la chute du régime dynastique au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle, il a été la cible d’une violente campagne de haine en ligne menée par des groupes issus de l’offensive rebelle.

Accusé d’être « pro-Bachar al-Assad », il a notamment reçu des menaces de décapitation. Pour lui, le constat est sans appel : « Un retour en Syrie est impossible. Là-bas, je suis condamné à mort. »

La sacristie qui ressemblait à une bergerie a été entièrement rénovée par Fahed et son beau-frère.

Des « idées suicidaires »

Sa demande d’asile a pourtant été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), décision confirmée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Le recours gracieux en réexamen adressé à l’Ofpra par son avocat, Me Gilles Piquois, a également été refusé le 10 novembre.

Dans son ordonnance, l’Office estime qu’« aucun élément nouveau suffisamment solide et argumenté » ne permet de revoir « l’appréciation portée sur sa participation à des agissements contraires aux buts et principes des Nations unies ».

Pour Rami, ce rejet fait l’effet d’un coup de grâce. Il dit sombrer dans « l’incompréhension la plus totale » et confie avoir désormais des « idées suicidaires ».

« Pendant longtemps, le silence a été une condition de survie. En Syrie, parler n’était jamais un acte neutre. Chaque mot pouvait coûter une carrière, une liberté, parfois une vie. J’ai exercé le métier de journaliste dans ce contexte : contraint, surveillé, enfermé dans un système où l’information n’était jamais libre. Aujourd’hui, depuis l’exil, ce silence devient une autre forme de violence. »

Comme il l’a toujours affirmé, Rami Nofal réitère n’avoir « jamais soutenu ni approuvé » le régime de Bachar al-Assad.

Il dénonce une vision trop souvent simpliste : « Le regard porté sur les journalistes syriens reste binaire : on serait soit un opposant courageux, soit un complice du régime. Cette lecture simplificatrice ne rend pas justice à la réalité d’un État totalitaire où l’on ne choisissait ni ses conditions de travail ni ses marges de manœuvre. Comme des milliers d’autres professionnels, j’ai exercé dans des structures étatiques sans adhérer à l’idéologie du pouvoir. Le refus ouvert signifiait l’arrestation, l’exil forcé ou la mise en danger de sa famille. »

Issu d’une famille francophone et francophile, Rami dit ne demander « qu’une chose » : des papiers pour pouvoir travailler, s’investir dans la société et vivre dignement.

« L’exil en France n’a pas été synonyme de renaissance immédiate. Perdre son pays, c’est aussi perdre sa voix, son identité professionnelle, sa légitimité sociale. On devient un dossier administratif, jugé à l’aune de décisions souvent déconnectées de la complexité des parcours individuels. »

Une lettre à Emmanuel Macron

L’attente, les refus successifs et l’impossibilité de se projeter ont fini par l’épuiser. Installé à Toulon, où il a noué de nombreux liens amicaux et qu’il dit « aimer profondément », il décrit une situation « torturante ». « Derrière chaque dossier d’exilé, il y a une histoire singulière, marquée par la contrainte, la peur et, trop souvent, par la perte. »

Il estime que les décisions dont il fait l’objet sont « purement politiques ». « Je dispose de tous les éléments pour obtenir le statut. Je n’ai jamais porté d’armes. Je suis titulaire d’un master en traduction simultanée et consécutive. J’ai travaillé comme traducteur à l’ambassade de France à Damas entre 2007 et 2012. Je ne comprends pas. La colère me ronge. »

Son dernier recours serait désormais de saisir le Conseil d’État. « Mais je n’ai plus d’argent. J’ai tout dépensé dans ces procédures. Je ne sais pas ce que j’espère : peut-être un miracle. Je ne suis pas pratiquant, mais je crois en Dieu », confie-t-il.

En attendant, l’ancien journaliste s’apprête à adresser une lettre au président de la République : « Je vous écris avec respect, non pour réclamer un privilège, mais pour solliciter une attention humaine et équitable sur une situation qui m’a déjà coûté ma santé, ma stabilité et une part irréparable de ma vie familiale. »

Reste l’espoir, tenace, de ce miracle tant attendu.