« Pourquoi créer cet institut ?
« Selon le think tank The Shift Project, le secteur de la santé représente environ 49 millions de tonnes de CO 2 équivalent, soit 8 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, davantage que l’aéronautique (5 %). Près de 50 % de cet impact environnemental de la santé provient des médicaments et des dispositifs médicaux. La santé accuse un retard dans la mise en œuvre de la transition écologique. Il y a encore cinq ans, le tri des déchets n’était pas systématisé dans les hôpitaux, qui produisent aujourd’hui près de 700 000 tonnes de déchets par an.
Une planification écologique du système de santé (PESS) a été lancée en 2023 par le ministère de la Santé avec sept axes d’action (achats durables, déchets, etc.). Il faut aujourd’hui en accélérer la mise en place. L’institut sera un lieu de recherche et d’innovation, un campus capable d’agréger les initiatives individuelles, les expérimentations de terrain. »
Ce savoir servira ensuite à développer des formations à destination des soignants.
Quels seront vos leviers d’actions ?
« Le premier enjeu est celui des données scientifiques, aujourd’hui insuffisantes. Il s’agit d’identifier des pratiques concrètes responsables : usage de matériaux recyclables, tri des déchets, suppression de certains médicaments très impactants comme certains gaz anesthésiants.
Ces données permettront de définir ce qu’est un écosoin, d’en préciser les méthodologies, les outils, sans jamais dégrader la qualité des soins. Il faudra également s’appuyer sur les expériences menées par nos collègues européens. Ce savoir servira ensuite à développer des formations à destination des soignants, des industriels, des dirigeants d’établissements. »
Notre troisième levier d’action sera l’innovation et le soutien aux startups.
Comment financerez-vous ces projets ?
« Le financement repose pour l’instant sur les cofondateurs. L’une des missions de l’IETES sera d’aller chercher des financements externes, via des appels à projets ou du mécénat. À ce stade, l’Institut ne compte aucun salarié. L’objectif est de recruter au moins deux équivalents temps plein en 2026, puis de monter progressivement en puissance. »
Comment allez-vous convaincre les industriels, les décideurs politiques et les soignants ?
« L’écoconception des soins permet de concilier les enjeux écologiques et les contraintes économiques dans un contexte de forte pression sur le financement de la Sécurité sociale. Elle impose une réflexion sur l’optimisation des ressources.
20 % des déchets du bloc opératoire aujourd’hui en France correspondent à du matériel ouvert non utilisé.
La transition écologique est aussi un levier d’attractivité et redonne du sens au travail des soignants. Je le constate au sein de mon service au Nouvel hôpital civil depuis la mise en place d’un « green bloc ». Aujourd’hui, 20 % des déchets du bloc opératoire en France correspondent à du matériel ouvert non utilisé. Il faut donc élaborer des fiches de besoins précises par intervention. Un exemple concret : donner du paracétamol en comprimé lors d’une chirurgie ambulatoire est douze fois moins impactant en termes de CO 2 qu’une perfusion. Ces actions favorisent le travail collectif entre des acteurs qui ont peu l’habitude de collaborer et constituent un argument pour les patients. Reste un principe fondamental : la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas et le meilleur soin est celui dont on n’a pas besoin. La prévention joue un rôle clé. »
(*) Il est cofondé par l’Association strasbourgeoise d’anesthésie réanimation (Asar), Agir durablement en santé en Nouvelle-Aquitaine (ADSNA), le collectif d’Écoresponsabilité en santé, regroupant un ensemble de sociétés savantes (Ceres), Mines Paris- PSL – Grand établissement d’enseignement supérieur et de recherche engagé pour les transitions, l’École des hautes études en santé publique (EHESP), la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), la Fédération hospitalière de France (FHF) et le Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah).