Par
Eloïse Aubé
Publié le
28 déc. 2025 à 17h36
Sur l’antenne de Beur FM, sa voix accompagne des milliers d’auditeurs chaque jour. À Rouen, difficile d’évoquer la radio ou les quartiers populaires sans citer Mohand Marouf. Depuis plus de 25 ans, le Quevillais incarne la diversité, l’engagement et l’esprit des radios libres. Portrait d’un passionné qui n’a jamais cessé de donner la parole à ceux qu’on entend trop peu.
Des débuts dans la radio libre
Arrivé d’Algérie en 1977, Mohand Marouf découvre la France à Amiens avant de rejoindre Rouen en 1982 pour suivre ses études. Depuis, il n’a plus quitté la ville.
Je suis très attaché à Rouen, je suis très attaché à ses quartiers populaires et aux gens . J’aime profondément cette diversité qui fait notre richesse », explique-t-il avec sa voix chaude et reconnaissable.
Mohan Marouf
Son aventure radiophonique débute en 1983 au sein de Radio Figue à Rouen, future Beur FM. « C’était la radio, la voix de l’immigration. On faisait tout nous-mêmes : l’antenne, la technique, les programmes pluriculturels… C’était l’époque de l’essor des radios libres. On était heureux, on faisait de la radio entre amis, avec une vraie mission sociale. »
En 1997, la station bascule vers Beur FM, et l’année suivante, Mohand rencontre Nacer Kettane, un des membres fondateur du média. « L’entretien a duré vingt minutes. À la fin, il m’a dit : Je te veux dans l’équipe. L’aventure commençait vraiment. » Il n’oublie pas Idir Talbi, figure de Radio Figue, « qui avait préparé toute la transition vers Beurfm avec un travail incroyable ».
Directeur régional et figure locale
Au début des années 2000, le CSA (devenu Arcom) réorganise les radios par thématique. Mohand devient directeur régional de Beur FM Rouen, un poste qu’il occupe toujours. « Le changement, c’était le passage à un programme 24h/24. J’ai tissé un lien particulier avec les auditeurs, les commerçants, les associations, les élus politiques, Je suis devenu une personnalité publique. »
Aujourd’hui, il est seul à gérer l’antenne de Beur FM Rouen : comptabilité, réalisation, animation, relation avec les institutions…
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Je fais tout. Mais ça me va. Pourquoi prendre quelqu’un d’autre juste pour parler ? Moi, je fais tout tout seul. Quand on entre à Beur FM, on apprend vraiment tous les métiers de la radio : on peut tout gérer.
Mohan Marouf
Il entretient aussi une relation de confiance rare avec Djima Kettane, PDG de Beur FM. « On a mis en place un vrai plan d’organisation administratif et financier pour stabiliser l’antenne. Elle m’a soutenu dans les moments difficiles. Si la radio se porte bien aujourd’hui, c’est aussi grâce à elle. On a une relation hiérarchique, mais aussi une relation humaine. »
Une radio, mais surtout une mission
Mohand refuse l’étiquette de « radio communautaire ». Pour lui, Beur FM est avant tout un espace où chacun peut s’exprimer, la radio est née dans les années 80-90 dans le contexte des radios associatives issues de l’immigration maghrébine. Beaucoup de médias l’ont alors cataloguée comme une radio destinée exclusivement aux Français issus de cette immigration, d’où l’étiquette « communautaire ».
« Je suis l’un des pionniers en France, et le premier en Normandie, à avoir lancé des émissions sur les talents des cités, les femmes des cités, les réussites de la diversité, les QPV (quartier prioritaire de la ville). Donner la parole à ceux qu’on ne voit pas ailleurs, c’est le rôle du média. »
Il assume également une mission sociale. « Beaucoup de gens ne savent pas vers qui se tourner. À la radio, j’écoute, je conseille, j’oriente. Je combats les clichés et je leur ouvre le micro : dans nos quartiers, il y a des gens qui travaillent, qui réussissent, qui s’engagent. On ne peut pas résumer toute une population à des préjugés. »
Un marathonien de l’antenne
À 63 ans, Mohand n’envisage pas la retraite. « Je ne suis pas prêt d’arrêter. J’ai la chance d’avoir des auditeurs fidèles et une direction qui me soutient. »
Du lundi au vendredi, il est en direct sur Beur FM Rouen. Le dimanche, il rejoint Beurfm Paris pour présenter une émission culturelle kabyle et un programme sportif. « En réalité, je travaille tous les jours. Je suis un mordu de radio. C’est ma vie. »
Chaque année, il fait aussi son programme spécial Ramadan, un moment devenu rituel pour les auditeurs. « En fevrier prochain, ce sera mon 28e Ramadan à l’antenne. Je propose un programme spécial avec des émissions thématiques autour de la cuisine et du partage. Je m’intéresse à ce que vivent les gens pendant ce mois sacré. Beaucoup de familles rompent leur jeûne en écoutant Beur FM. C’est une responsabilité et un honneur. C’est un moment émouvant et gratifiant, intergénérationnel. »
La radio chevillée au corps
Fier de son parcours, de son rôle et de son ancrage local, Mohand Marouf reste avant tout un passionné, un travailleur infatigable et une voix unique dans le paysage normand et français. Une voix qui porte, rassure, rassemble et reflète depuis plus 25 ans la diversité de la France et de toute une région.
Yanis HAMADACHESuivez l’actualité de Rouen sur notre chaîne WhatsApp et sur notre compte TikTok
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