La Fondation d’art contemporain Cartier ouvre une nouvelle page de son histoire en plein cœur de Paris, à deux pas du Louvre et du Palais-Royal. Exit le boulevard Raspail — et l’ancienne demeure de François-René de Chateaubriand, enfant de Saint-Malo — l’institution s’installe désormais dans un bâtiment entièrement réinventé par Jean Nouvel, architecte, notamment du Cap Mail, à Rennes.

Situé à proximité immédiate de la rue de Valois, du Musée du Louvre et du Palais-Royal, le nouveau site occupe un édifice construit en 1855 à l’occasion de l’Exposition universelle. Ce dernier a successivement abrité les Grands Magasins du Louvre, puis le Louvre des Antiquaires à partir de 1978, avant d’entamer aujourd’hui une vie consacrée à l’art contemporain.

Pour son inauguration, le lieu présente Exposition Générale, un parcours retraçant quarante ans d’art contemporain à la Fondation Cartier. Parmi les tableaux et les sculptures, une présence bretonne se fait remarquer, avec un clin d’œil à Rennes et à Saint-Malo. Au fil de la visite, le public découvrira une œuvre de Raymond Hains, déjà montrée lors de l’exposition Les 3 Cartier. Du Grand Louvre aux 3 Cartier en 1994.

Cette création est née d’une « baguenaude » sur la plage du Sillon, à Saint-Malo, où l’artiste avait redécouvert les pieux de bois plantés dans le sable pour protéger le littoral des tempêtes. Leur présence, chargée de mémoire, lui évoquait l’enfance de Chateaubriand, qui y jouait avec ses amis. Transposés boulevard Raspail, ces brise-lames devenaient alors une allusion poétique de l’ancien occupant des lieux.

À côté de ces « bois », une vidéo propose aussi une journée en compagnie de Raymond Hains. Réalisé à Dinard en 1994 par Pierrick Sorin, le film suit le flux de parole de l’artiste, entre souvenirs, jeux de mots et digressions. Tourné entre la plage et les remparts de Saint-Malo, l’artiste apparaît comme un promeneur attentif, saisi sur le vif. Porté par une musique de Mahler, ce portrait improvisé adopte une tonalité mélancolique et offre le témoignage sensible d’un temps et d’une subjectivité sur le point de s’effacer.

Membre fondateur du Nouveau Réalisme, Raymond Hains a développé une œuvre singulière. Il construit tout son travail à partir du réel, des mots et des hasards urbains. En 1945, il s’inscrit à l’École des Beaux-Arts de Rennes, où il rencontre Jacques Villeglé. Ensemble, ils commencent à travailler à partir d’affiches arrachées dans la rue, captant des fragments du quotidien pour en faire œuvre.

La même année, Raymond Hains part à Paris et entre au laboratoire photo de la revue France-Illustration, dirigé par Emmanuel Sougez. Il y expérimente la déformation de l’image et invente l’« hypnagogoscope », un dispositif de verres cannelés qui distord la vision et donne naissance à une écriture visuelle nouvelle, fondée sur la transformation des lettres et des formes.

À partir de la fin des années 1950, Raymond Hains s’impose comme un maître du jeu de mots et des associations d’idées. Il utilise notamment des palissades et panneaux récupérés dans les entrepôts Bompaire pour réaliser de grandes œuvres murales. Cette attention portée à la rue et à ses accidents se prolonge jusque dans les années 1990 avec ses photographies de « sculptures de trottoirs ».

En 1997, il explore aussi le numérique avec les « Macintoshages », compositions développées à partir de fenêtres informatiques superposées. Son travail était régulièrement exposé à la Fondation Cartier. En 1986, une exposition à Jouy-en-Josas donne lieu à un Hommage au Marquis de Bièvre, inventeur du mot « calembour » dans l’encyclopédie de Denis Diderot. Voir l’exposition actuelle de la Fondation Cartier.