Le Royaume-Uni amorce un tournant assumé dans sa relation avec plusieurs pays africains, en intégrant plus ouvertement la question migratoire à son arsenal diplomatique. La signature récente d’accords de réadmission avec l’Angola et la Namibie, combinée à des restrictions de visa imposées à la République démocratique du Congo (RDC), illustre une approche désormais plus transactionnelle, où la coopération migratoire, les facilités de circulation et les relations économiques sont étroitement imbriquées.

Le 27 décembre dernier, Londres a officialisé des accords avec Luanda et Windhoek permettant le retour forcé de ressortissants en situation irrégulière sur le sol britannique. Ces accords interviennent après plusieurs semaines de discussions durant lesquelles le gouvernement britannique avait clairement signalé que l’accès facilité aux visas — notamment pour les élites économiques et administratives — dépendrait du niveau de coopération des pays concernés en matière de réadmission.

Dans le cas de l’Angola, partenaire commercial important du Royaume-Uni, avec des échanges bilatéraux dépassant 2 milliards de livres sterling au cours des douze derniers mois, l’enjeu était tangible. Les secteurs pétroliers et gaziers, fortement interconnectés avec la City de Londres, reposent sur une circulation fluide de cadres, d’investisseurs et de prestataires de services. La conclusion de l’accord apparaît ainsi comme un compromis destiné à préserver cette relation économique stratégique, tout en répondant aux impératifs de la politique intérieure britannique.

La Namibie, de son côté, s’inscrit dans une dynamique différente mais tout aussi sensible. Partenaire émergent du Royaume-Uni dans le développement de projets liés à l’hydrogène vert, le pays a accepté un mécanisme incluant une assistance financière pour la réintégration des migrants retournés. Londres sécurise ainsi des coopérations énergétiques à long terme, tout en affichant une ligne de fermeté migratoire conforme aux attentes de son électorat.

La RDC sanctionnée

À l’inverse, la République démocratique du Congo a fait les frais de cette nouvelle doctrine. Faute d’accord sur la réadmission de ses ressortissants, les autorités britanniques ont annoncé la suspension de certains services de visa accéléré pour les citoyens congolais. Le choix de Kinshasa comme point de crispation s’explique également par le faible poids des échanges commerciaux bilatéraux, ce qui réduit l’impact économique immédiat pour le Royaume-Uni.

Cette décision n’est toutefois pas sans risques stratégiques. La RDC occupe une place centrale dans les chaînes de valeur mondiales des minerais critiques, notamment du cobalt, essentiels à la transition énergétique et aux industries technologiques. Dans un contexte de concurrence accrue entre puissances étrangères sur le continent africain, l’usage de l’arme consulaire pourrait, à terme, fragiliser la capacité d’influence britannique dans un espace géoéconomique devenu hautement stratégique.

Au-delà des cas spécifiques, cette séquence marque une inflexion notable dans la position britannique vis-à-vis de l’Afrique. Derrière le discours officiel de partenariat et de coopération, Londres adopte désormais une approche plus pragmatique, conditionnant l’accès à son territoire et à certains avantages diplomatiques à des résultats concrets en matière migratoire. Si cette stratégie peut produire des effets rapides à court terme, son impact à long terme sur la perception et la solidité des relations entre le Royaume-Uni et ses partenaires africains reste une équation ouverte.