Le premier, secrétaire perpétuel de l’Académie des gastronomes, est un expert dans les arts de la table. Le second collectionne les menus depuis plus de trente ans, il en possède des milliers. Tous les deux ans depuis 2019, le duo concocte un ouvrage pantagruélique. En 2027, ce sera autour des bulles de champagne. Cet automne, les nectars girondins se retrouvent à l’honneur au travers de leur fameux classement de 1855 : au fil de 400 pages, et au départ de cette année si « particulière », on se balade dans les plus iconiques des châteaux bordelais, lesquels se retrouvent aux menus de repas partagés par les plus grands de ce monde.
Le classement de 1855 donne « les bases du marketing du monde contemporain », estime Nicolas Kenedi. Cette année-là, celle de l’Exposition universelle de Paris, Napoléon III souhaitant glorifier les terroirs de la nation, les courtiers de la place bordelaise déterminent l’immuable classement des meilleurs vins girondins situés dans le Médoc, les Graves ou le Sauternais. Cette classification tient du génie publicitaire : « Les châteaux bordelais vont devenir omniprésents durant des décennies, ils vont rayonner : on les trouve dans toutes les grandes réceptions », insiste Jean-Maurice Sacré.
Le « menu bordelais »
Illustration dans les menus que le Parisien est parvenu à dégoter. Au palais de l’Élysée, au Capitole à Washington, à Buckingham Palace, on sert les châteaux Lafite, Latour, Margaux, Eyquem, etc. Aux tables des banquets impériaux ou dîners présidentiels, les grands crus se dégustent également dans les « cabinets particuliers » voire, plus incongru, pour accompagner du consommé d’éléphant ou du « chat flanqué de rat », lors du blocus de Paris dans les années 1870-1871, alors que la capitale est privée de nourriture et que les animaux errants ou du Jardin des plantes ont été réquisitionnés…
L’ouvrage tient enfin tout un chapitre au « menu bordelais », tombé en désuétude et pourtant insolite. Son originalité ? Après un poisson puis une viande, son « entremets » n’était pas un fromage comme il est aujourd’hui d’usage mais un foie gras, « parfaite jonction entre les plats et le dessert, car c’est le même vin qui est servi pour les deux, un liquoreux », y explique l’expert en vins Aymeric de Clouet.