Afin de lutter contre les déserts médicaux, François Bayrou s’est exprimé contre la proposition de loi Garot visant à réguler l’installation des médecins libéraux et salariés. Le Premier ministre a présenté son plan d’action qui trouve un écho un peu plus favorable auprès des étudiants en médecine. Mais ce pacte , qui imposerait à chaque médecin de consacrer jusqu’à deux jours par mois des consultations dans les déserts médicaux, est qualifié d’irréaliste par les syndicats.
En attendant, les étudiants en médecine de la faculté de Strasbourg se mobilisent contre la proposition de loi Garot. « Le gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale et cette proposition de loi transpartisane est cosignée par plus de 250 députés », s’inquiète Aurélie Pasquet de l’Association amicale des étudiants en médecine de Strasbourg (AAEMS). Depuis lundi, 450 internes en médecine (des étudiants de troisième cycle après la sixième année), sont en grève, soit près du tiers des effectifs.
Mardi 29 avril, 370 étudiants en médecine selon la police, près de 500 selon un organisateur de l’AAEMS, se sont rassemblés devant leur faculté avant de défiler dans les rues du centre de Strasbourg à marche rapide et en rangs très serrés. Visiblement, manifester n’est ni dans leur cursus de formation ni dans leurs gènes. Par contre, leur argumentaire contre la loi Garot, « une mesure injuste et déconnectée des réalités du terrain », est bien rodé. Et leurs craintes sont bien réelles.
« C’est une proposition de loi démagogique qui vise à cacher 30 à 40 ans d’imprévoyance. Les médecins sont attachés à l’endroit où ils s’installent. Cette loi Garot va aggraver la pénurie de médecins », estime le docteur Raymond Attuil, vice-président 67 de la Fédération des médecins de France (FMF) venu soutenir les étudiants en médecine. « Pour la seule journée d’hier (N.D.L.R. lundi), dans mon cabinet de Schiltigheim, j’ai dû refuser deux patients qui cherchaient un médecin traitant ».
« On ne régule pas une pénurie »
« Je redoute que cette proposition de loi décourage les vocations en ajoutant des contraintes et le pacte Bayrou n’est pas réaliste. Un généraliste devra délaisser sa clientèle, trouver un logement… et un spécialiste a besoin d’un matériel spécifique, même pour deux jours », enchaîne une jeune médecin, un peu isolée au milieu des centaines d’étudiants. « Mais faire grève pour un médecin c’est laisser tomber ses patients ».
Pour les étudiants, comme pour les médecins installés, le vrai problème des déserts médicaux est le manque global de médecins, pas leur répartition. « On ne régule pas une pénurie », affirme Maxime Goering, étudiant en troisième année avant de remarquer que pour augmenter le nombre de médecins en formation – un nombre limité par le numerus apertus qui a succédé au numerus clausus – il faut plus de formateurs, mais aussi augmenter les capacités d’accueils en stage. Ce jeune Haut-Rhinois hésite encore entre « l’hôpital et le libéral comme médecin généraliste. J’aime l’aspect relationnel ». S’il choisit la médecine générale dans un cabinet, comme son grand-père qui exerçait dans le Sundgau, un des secteurs les plus touchés en Alsace par les déserts médicaux, « ce sera un choix de cœur ».
Sophie Recatala, une étudiante en quatrième année, voudrait devenir gastro-entérologue, même si le métier de médecin généraliste ne lui « déplaît pas ». Vivant depuis dix ans à Strasbourg, la jeune femme préférerait exercer en ville et à l’hôpital. Lison Ulrich, une étudiante en troisième année d’origine strasbourgeoise, ne sait pas encore vers quelle spécialité médicale elle s’orientera. Elle a cependant une préférence pour l’hôpital dans une ville au milieu des montagnes. Un choix avant tout humain.