La police italienne a annoncé le 27 décembre avoir arrêté neuf personnes accusées d’avoir collecté plusieurs millions d’euros pendant plus de deux ans pour le groupe terroriste palestinien Hamas. Selon un communiqué de la police, l’argent aurait été collecté sous couvert d’aide humanitaire pour la population civile palestinienne, mais aurait en réalité été transféré au groupe terroriste dans la bande de Gaza via un « système de dons complexe ».
Parmi les personnes arrêtées figure Mohammad Hannoun, président de l’Association palestinienne en Italie, comme l’a annoncé le ministère italien de l’Intérieur.
Outre les arrestations, la police a déclaré avoir saisi des avoirs d’une valeur de plus de 8 millions d’euros dans le cadre de l’enquête. La police italienne a également annoncé que les suspects étaient accusés d’avoir « mené des opérations financières qui auraient contribué à des activités terroristes ».
Des fonds du Hamas acheminés vers Gaza via la Turquie
L’enquête aurait été ouverte immédiatement après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Les suspects auraient collecté des dons destinés à la population civile de la bande de Gaza.
« Il s’est toutefois avéré que plus de 71 % de ces fonds ont été détournés vers les caisses du Hamas afin de financer sa branche militaire et de soutenir les familles des kamikazes ou des personnes emprisonnées pour terrorisme », indique le communiqué.
En outre, il a été établi que certains suspects avaient des liens avec des personnes en Turquie « qui servaient d’intermédiaires pour le transfert d’argent liquide vers Gaza ».
Des documents trouvés sur les serveurs des suspects révèlent l’existence d’un « vaste réseau international organisé d’individus et d’institutions » impliqués dans la collecte de fonds, toujours sous le couvert d’« œuvres caritatives ».
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, s’est déclarée « très satisfaite » de ce coup porté à l’organisation terroriste palestinienne. Dans un communiqué, elle a souligné l’importance particulière de l’arrestation de Mohammad Hannoun, qui, selon ses propres termes, a été décrit par les enquêteurs comme « membre de la branche étrangère de l’organisation terroriste Hamas » et « chef de la cellule italienne du Hamas ».
Hannoun est originaire de Ramallah, en Cisjordanie, et est architecte de profession. Il a la nationalité jordanienne, mais vit en Italie depuis 40 ans. En 1994, il a fondé l’Association palestinienne en Italie.
Exploitation du « libéralisme européen » ?La représentation palestinienne en Europe, le Conseil palestinien européen pour les relations politiques (EUPAC), a immédiatement réagi avec indignation à l’arrestation de Mohammad Hannoun. « Cette action » reflète la politique israélienne « qui vise à opprimer le peuple palestinien, les personnalités qui le représentent et ceux qui défendent la cause palestinienne dans tous les pays de l’Union européenne », a déclaré l’EUPAC dans un communiqué.
Le Times of Israel pense en savoir plus : « Le réseau de Hannoun n’était pas exclusivement italien. L’enquête a révélé une coordination avec des organisations similaires proches du Hamas aux Pays‑Bas, en Autriche, en France et en Grande‑Bretagne », peut‑on lire dans un article de blog.
Le même schéma se répète sur tout le continent : « une façade caritative, des structures financières opaques, un soutien politique et une léthargie bureaucratique ».
« Le Hamas a exploité le libéralisme européen », car il savait que « l’accusation d’islamophobie offre une excellente protection », écrit le journal israélien.
Selon le journal italien Il Sole 24 Ore, M. Hannoun a nié en août être un dirigeant du Hamas. Il a toutefois qualifié l’organisation terroriste de « représentant légitime du peuple palestinien » et a déclaré qu’il « sympathisait » avec elle. Les États‑Unis l’ont déjà inscrit, lui et son organisation, sur une liste noire en 2023 pour financement du terrorisme.
Qui contrôle les Palestiniens en Allemagne ?
En réaction à la rafle italienne contre le Hamas et aux arrestations, la société germano‑israélienne réclame également « une action plus déterminée de l’État de droit contre les structures du Hamas, y compris en Allemagne ».
« Les autorités fiscales, les services de renseignement et les autorités judiciaires devraient surveiller de près les structures européennes soutenant le Hamas dans ce pays et mettre fin à leurs activités financières », a déclaré Volker Beck, président de l’association, le 28 décembre.
Dans sa déclaration, l’ancien député vert au Bundestag, M. Beck, souligne que M. Hannoun est également « lié sur le plan organisationnel à des acteurs actifs en Allemagne ». Il ajoute qu’il a « dirigé une réunion de l’organisation faîtière de la flottille à laquelle ont participé des ONG allemandes ».
La loi Merkel bloque les poursuites pénales
Dans une enquête menée en octobre, la chaîne de télévision Bayerischer Rundfunk (BR) est arrivée à la conclusion que des organisations terroristes telles que l’État islamique et le Hamas « continuaient de bénéficier du soutien de l’Allemagne ».
Selon la BR, le 21 octobre, ce sont principalement des « dons » qui parviennent dans les zones de conflit via des cryptomonnaies et des réseaux clandestins. Cependant, il est très difficile pour la justice allemande d’apporter la preuve du financement du terrorisme.
Cela s’explique notamment par l’article 89c du code pénal introduit en 2015 sous la chancelière Angela Merkel, qui punit le financement du terrorisme. Selon cet article, les enquêteurs doivent toutefois prouver que les « dons » sont destinés à financer des crimes.
« Il faut pratiquement prouver que chaque euro était destiné à l’achat d’une kalachnikov, d’explosifs ou à la préparation d’un attentat », explique Hans-Jakob Schindler, expert en terrorisme de l’organisation de recherche Counter Extremism Project, à la BR. « En ce sens, on complique au maximum la tâche des enquêteurs ici en Allemagne en ce qui concerne la possibilité d’une condamnation. »
Comment l’argent allemand parvient aux terroristes
Sous le titre « Dons pour le terrorisme », la radio allemande « Deutschlandfunk » a publié le 4 novembre un article en ligne qui explique les moyens utilisés pour transférer à l’État islamique et au Hamas les dons collectés en Allemagne à des fins prétendument humanitaires.
Là encore, la Turquie joue un rôle clé. « Souvent, les fonds sont d’abord envoyés par virement bancaire ou PayPal à des intermédiaires en Turquie », indique l’article. De là, l’argent est ensuite transféré, par exemple via Western Union, un service de paiement international qui permet d’envoyer ou de recevoir de l’argent dans le monde entier sans compte bancaire.
Le système dit « hawala » est également très utilisé. Le terme arabe « hawala » signifie en français « changer, transférer ». Il fonctionne grâce à un réseau d’intermédiaires : on se rend chez une personne connue pour être disposée à « transférer » de l’argent. On remet à cette personne une somme X en espèces. L’intermédiaire appelle un correspondant dans le pays de destination et lui demande de verser la somme X moins les frais d’intermédiaire au destinataire. Et voilà, le « virement » est effectué sans coordonnées bancaires et sans laisser de traces.
Le transfert d’argent fonctionne dans les deux sens, ce qui en fait une méthode idéale pour les criminels et le blanchiment d’argent. Cependant, le « hawala » est également utilisé par les réfugiés sans compte bancaire « pour soutenir leurs familles », comme l’explique la chaîne.