Pour comprendre cet appartement, il faut faire un détour par la biographie de celui qui l’a conçu. Même à 82 ans, on peut être un romantique révolutionnaire : c’est le cas de Richard Peduzzi. Très tôt, l’artiste français a compris que son amour n’était pas à sens unique, mais partagé. Après avoir étudié le dessin à Paris, il se tourne vers la peinture. Toutefois, lassé de se tenir sans cesse debout devant un chevalet, il pose ses pinceaux et s’oriente vers le théâtre : « Cela implique de dessiner, de lire, d’écouter de la musique, et de toujours garder les yeux ouverts sur le monde. » Il a créé d’innombrables espaces pour le théâtre, l’opéra et le cinéma. Outre-Rhin, ses décors les plus célèbres sont peut-être ceux créés pour « Le Ring du centenaire » de Wagner pour le Festival de Bayreuth en 1976. Richard Peduzzi est alors âgé de 33 ans, et le metteur en scène, Patrice Chéreau, de 31 ans seulement. La mise en scène anticonformiste et non conventionnelle du duo crée la polémique.

Richard Peduzzi dans le salon qu’il a conçu. Derrière lui, Maison de l’intérieur, 2013, un tableau de Miriam Cahn ; à droite, Peninsula, 2020, un tableau de Sarah Crowner.

Sarah de Beaumont/Stefan Giftthaler. Miriam Cahn ; Sarah Crowner, Luhring Augustine, Galerie Nordenhake

Confier à un tel homme la rénovation d’un étage construit dans la tradition viennoise, au sein d’un monument néo-baroque, est donc un gage de confiance, mais aussi d’audace. Le maître d’ouvrage, un amateur d’opéra, collectionneur d’art et ami de longue date de l’artiste, a souhaité garder l’anonymat. De l’audace, car Richard Peduzzi n’est pas du genre à insérer quelques touches modernes sous des moulures historiques ou à modifier légèrement un plan. Il préfère abattre les murs, se débarrasser des sols et moulures d’origine, pour repenser intégralement l’espace. Un salon ovale dispose à sa droite d’accès directs aux espaces plus fonctionnels tels que la cuisine. À gauche, une porte à battants mène à la salle à manger, qui conduit à un autre salon. Ces espaces destinés à recevoir des invités occupent près de 130 mètres carrés, avec le salon comme charnière centrale : ovale, sa convivialité fait de lui la pièce maîtresse. Ses immenses lustres en laiton, fabriqués sur mesure, montés sur des rails discrets, donnent différentes ambiances lumineuses à la pièce, comme sur une scène de théâtre.