Par

Antoine Blanchet

Publié le

2 mai 2025 à 20h22

Trouver un logement à Paris relève souvent du parcours du combattant. Dans cette jungle immobilière, où louer quatre murs en placo demande un dossier en béton, certains prédateurs n’hésitent pas à profiter des chercheurs d’appartements en détresse. Nicolas M. est l’un de ceux-là. Ce vendredi 2 mai 2025, il est jugé pour avoir escroqué 64 locataires en herbe dans la capitale, mais aussi en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine. Sa technique, redoutable, lui a permis de soutirer plus de 80 000 euros à ses victimes.

Une mécanique bien rodée 

Vous êtes un jeune étudiant et dans quelques semaines, vous arrivez à Paris. Jour après jour, vous cherchez un logement décent intramuros. Le temps presse. Votre dossier est sans cesse rejeté par les agences. Soudain apparaît une offre sur Leboncoin. Un petit studio dans le 18ᵉ. Le prix est raisonnable. Vous appelez le numéro indiqué. Un homme au ton sympathique vous répond. Le logement est toujours disponible !

Vous vous rendez sur place et vous êtes conquis. Le studio est impeccable. Le propriétaire est affable et vous fait le tour du domaine sans omettre aucun détail. Il se permet même quelques plaisanteries et vous tutoie. Vous quittez le lieu plein d’espérance.

Pourtant, le stress monte. Le propriétaire vous recontacte. Vous êtes retenu, mais un autre candidat est sur le coup. Il faut lui faire un virement pour la caution et le premier loyer Le marché sera ainsi conclu. Pour vous mettre en confiance, il vous envoie sa carte d’identité, mais aussi des feuilles d’imposition mirobolantes et un contrat de bail impeccable. Vous acceptez le marché, et versez 1 200 euros pour obtenir ces quatre murs tant désirés.

Les jours passent, et vous pourrez bientôt prendre possession de l’appartement. La veille de la remise des clés, vous contactez le propriétaire. Aucune réponse. Vous insistez. Rien. Le temps défile et l’angoisse vous étreint. Il faut vous résigner, vous avez été victime d’une escroquerie. Le logement n’était qu’un Airbnb loué par l’aigrefin, qui s’est autoproclamé propriétaire pour quelques jours.

Les locataires vulnérables visés 

Ce récit, avec quelques variations, est celui vécu par les 64 victimes de Nicolas M.. Ce vendredi, au sein de la 13ᵉ chambre correctionnelle, les bancs des parties civiles sont pleins. De nombreux parents sont venus représenter leurs enfants floués au prologue de leurs études. Le préjudice est considérable : le prévenu se serait fait plus de 88 000 euros.

Chemise blanche et voix tranquille, Nicolas M. s’exprime avec froideur à la barre. À la manière d’un magicien blasé révélant ses tours, il détaille avec minutie ses arnaques, menées entre 2021 et 2024. Les appartements étaient ciblés pour leur petite taille et leur quartier, attrayant pour les étudiants. « Les demandeurs, ce sont des personnes en difficulté et qui ont du mal à louer », explique le prévenu âgé de 40 ans.

Très méticuleux, il sélectionne les plateformes de location les moins regardantes et adapte le prix du logement pour rendre l’offre attractive, mais crédible : « Si le logement était trop grand, je baissais la surface ». Lors des visites des victimes, il allait même parfois les accompagner jusqu’au distributeur automatique de billets pour récupérer les fortes sommes. « Je ne prenais pas les chèques, car ils sont souvent faux », estime le professionnel de la filouterie. 

« Je ne suis plus amoureux, ça n’arrivera plus ! »

« Vous n’êtes pas contrariant », s’amuse le président devant la loquacité du prévenu. Mais qu’en est-il du « pourquoi » ? Nicolas M., ayant perdu son emploi en 2017, explique avoir agi par amour : « Tout l’argent récolté était envoyé en Roumanie à ma compagne. Mais maintenant, je ne suis plus amoureux, ça n’arrivera plus ! ». « Si vous retombez amoureux, allez-vous recommencer ? », lui rétorque un juge, sous les rires des parties civiles. Le prévenu assure que non.

Sur la longue durée de ces arnaques, le quadragénaire ne manque pas de culot. « Je pensais être arrêté beaucoup plus vite », lâche-t-il avec aplomb. Ce dernier envoyait sans frémir sa vraie carte d’identité aux victimes pour les mettre en confiance. Interpellé une première fois en 2023, il continue ses combines, avant d’être de nouveau convoqué au printemps 2024. Pendant des mois, les policiers ont cherché les locataires floués.

« Vous avez des remords ? », s’enquiert le président.

« Si, si, j’en ai », répond l’intéressé sans une once d’émotion.

Des victimes dévastées 

Ces maigres excuses effleurent à peine le bloc des parties civiles. À la file indienne, plusieurs victimes viennent raconter leur funeste rencontre avec Nicolas M.. Leur description contraste avec la froideur. « Il était très lucide et semblait tout connaître », se remémore une partie civile. « Il savait ce qu’il faisait. Il est très sain d’esprit », s’énerve un autre.

Dans chaque témoignage s’entremêlent des situations cauchemardesques. C’est ce père de famille qui s’effondre en larmes à la barre, car il s’est emporté contre sa fille après l’arnaque. « Elle ne me parle plus. Ce n’était que de l’argent », pleure la partie civile. C’est cet autre papa qui raconte l’arrivée en bas de l’appartement la veille de la rentrée de son fils : « On arrivait de Lyon. La voiture était chargée de nourriture et de meubles. Nous n’avons jamais récupéré les clés. Mon fils est encore traumatisé ».

Les victimes ne sont pas que des chercheurs d’appartements. Les propriétaires ont aussi subi. Lorsqu’il louait les Airbnb, le prévenu en vidaient certains pour faire croire à un logement vide. Il jetait ainsi les affaires personnelles à la poubelle. « Je suis rentrée chez moi, je n’avais plus aucun vêtement. Les cadeaux qu’on m’a offert, les dessins de mes enfants… J’ai tout perdu », s’étrangle une victime à la barre. 

Condamné à quatre ans de prison 

Toutes les parties civiles demandent plusieurs milliers d’euros chacune, tant pour le préjudice pécuniaire que moral. Le procureur, lui, demande de la prison ferme. Dans son réquisitoire, il fustige un « professionnel de l’escroquerie ». Il veut quatre ans de prison, dont trois années fermes pour le prévenu qui encourait cinq ans de détention. Cette réquisition d’envergure, l’avocat de la défense la fustige. « Ce qu’il faut, c’est qu’il soit libre, pour travailler et pouvoir rembourser les victimes ! », déclare le conseil.

Le tribunal va aller dans son sens. Nicolas M. est condamné à quatre ans de prison, dont trois années avec sursis. Il devra rembourser les victimes, suivre des soins, trouver un travail et ne plus approcher de Paris pendant trois ans. Le prévenu quitte la salle, la mine basse. Durant un an, il occupera un logement fermé de quelques mètres carrés sans vis-à-vis. La justice s’en porte garante. 

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