Avec 88,5 milliards de dollars consacrés aux dépenses militaires l’année dernière, d’après le Sipri, l’Allemagne s’est hissée au 4e rang des pays les plus dépensiers du monde, devant l’Inde. Une hausse majeure de 28 % sur un an qui en a fait le pays européen (hors Russie) qui a le plus dépensé pour sa défense pour la première fois depuis 1982, devant le Royaume-Uni (6e avec 81,8 milliards de dollars) et la France (9e avec 64,7 milliards).
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a agi comme un électrochoc, aux effets très rapides pour le pays qui a fourni le plus d’aide militaire à Kiev en 2024 (7,7 milliards de dollars), après les États-Unis. Derrière tous ces chiffres se dévoile ainsi un changement profond dans la société allemande. « La situation de l’Allemagne se met en place autour de décisions politiques qui viennent en rupture de sa tradition d’austérité budgétaire et de grand contrôle de sa dette et de son déficit », résume Jade Guiberteau Ricard, assistante de recherche au Sipri.
Règles assouplies et investissements massifs
Sous l’impulsion du futur chancelier Friedrich Merz, l’Allemagne s’apprête cette année à assouplir les règles fiscales qui limitaient l’endettement à 0,35 % du PIB et freinaient les dépenses militaires. « Leurs règles institutionnelles étaient encore plus contraignantes que celles du pacte de stabilité européen », décrypte Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Iris.
L’Allemagne peut ainsi poursuivre sur cette dynamique de dépenses, tout en restant dans les clous du pacte de stabilité européen (maintien d’un déficit inférieur à 3 % du PIB). Ce qui explique pourquoi la part du PIB consacrée aux dépenses militaires a grimpé de 1,3 à 1,9 % entre 2021 et 2024.
Les dirigeants allemands ont lancé dès 2022 un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour consolider leur armée sur cinq ans. Avec son plan nommé « bazooka » , doté de 500 milliards d’euros sur douze ans pour investir dans plusieurs secteurs, le futur chancelier conservateur compte poursuivre cet effort pour la défense. Mais ce « quoi qu’il en coûte » allemand pourrait être menacé. « L’Allemagne va avoir un souci dans les années qui viennent puisque toute son économie fonctionne grâce au commerce extérieur, dont les débouchés risquent de pâtir du contexte actuel avec la Chine et les États-Unis [sur la guerre commerciale liée aux droits de douane, NDLR] », prévient Jean-Pierre Maulny.