Par

Laurent Fortin

Publié le

5 mai 2025 à 21h41

Infirmières, aides soignantes, agents de service et de soins, lingère… plus d’une vingtaine de salariés, essentiellement féminines, de la résidence des Pampres dorés à Vallet avaient répondu, la semaine dernière, à l’appel de l’intersyndicale pour manifester son opposition au projet d’accord sur le temps de travail voulu par le groupe Vyv3.

Comme l’Ehpad Saint-Louis de Geneston et de Bel-Air à Vertou, ou encore le service de soins infirmiers à domicile Erdre et Sèvre à Basse-Goulaine, dans le secteur, l‘établissement qui héberge 73 personnes âgées dépendantes appartient au mutualiste. Il y en a près de 370 autres aux profils très divers (crèches, centres dentaires, magasins d’optique…) en Pays de la Loire. 

Moins de liberté dans les récupérations

Cette mobilisation a pris la forme d’un débrayage d’une bonne heure ce mardi 28 avril. Alors que le projet d’accord sur le temps de travail voulu par la direction régionale a été présenté en juin 2024 et que, depuis, la contestation n’a fait qu’empirer, à tel point que les cinq syndicats ont quitté la table des négociations début avril, c’était néanmoins une première au sein des Pampres dorés .

Ce n’est pas dans la culture de l’établissement. Il a fallu expliquer et convaincre de l’intérêt. Hormis les cadres et la direction, 95% du personnel a participé au mouvement.

Valérie Bonaventure, aide-soignante élue au CSE (comité social et économique) et déléguée CGT.

On a voulu le faire sur place et non pas aller au siège sur les bords de Loire à Nantes, pour montrer que tous les sites étaient concernés et avoir un impact local.

Sa collègue infirmière, Delphine Hallais.

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Le personnel a d’ailleurs reçu le soutien d’anciennes salariées mais aussi de familles de résidents qui se sont spécialement déplacés. 

Pour les syndicats, ce nouvel accord conduirait à « une perte des droits et acquis sociaux » et donc « une dégradation des conditions de travail« .

Quelle mobilisation ?

Concernant le suivi de cette mobilisation, les chiffres varient. Pour la direction régionale du groupe Vyv3, elle n’a été « que de 10% ». « Pour la plupart, 80% des mouvements, ce n’était que des débrayages de deux heures ou moins, » indique Bruni Chéné, responsable communication. Pour les organisations syndicales, on assure que la participation a été le double. « Environ 20,6% » indiquent-ils promettant d’autres actions d’ici le mois de juin.

Pour eux, le danger est clair :

ce qu’on voit se profiler, gros comme une maison, c’est la volonté de basculer tous les salariés sous une seule convention collective qui les arrange financièrement : l’Anem (convention de la mutualité). Cela nous est très défavorable par rapport à nos conventions collectives d’affectation. 

Concrètement, pour la maison de retraite, cela se traduirait pour le personnel accompagnant les personnes âgées, « par un allongement de certaines journées de travail (jusqu’à 10, voire 12 heures au lieu de 7h), avec une récupération subie« .

En fait il y a plusieurs choses qui restent en travers de la gorge. Tout d’abord, l’annualisation du temps de travail. Si cela peut justifier pour certains métiers qui connaissent des pics d’activité, ce n’est pas le cas pour ceux d’une maison de retraite. Du coup, avec le nouvel accord, cela donne la possibilité à la direction de faire travaille des salariés jusqu’à 48 heures par semaine et de baisser leur temps de travail d’autres semaines à sa convenance. De même, concernant les heures supplémentaires au-delà de 1582 heures par an, elles ne seront plus majorées que de 25% au lieu de 40%. Enfin, sur le temps d’habillage quotidien, seulement 12 heures à l’année seront pris en charge, au lieu de 38. La direction gratte 26 heures. Ce n’est pas rien ».

Anthony Kerdreux, délégué Force ouvrière

Seul représentant des Pays de la Loire au sein du comité central, l’Angevin connait bien le dossier. Sauf rétropédalage de la direction, le projet doit être signé avant l’été et mis en place en janvier 2026.

Déjà « un ras le bol » général 

Cet accord intervient surtout dans un contexte « d’épuisement global ».

Même si on savait ce qui nous attendait en allant vers ces métiers liés au grand âge, en travaillant par exemple un week-end sur deux ou un week-end sur trois selon les catégories professionnelles, on ne penserait pas qu’on nous essorerait autant.

La déléguée syndicale avec une pancarte transformant le sigle Ehpad en  »équipe héroïque payée à disparaitre ».

On a beau faire des métiers au contact de l’humain, il y a une telle déshumanisation de nos services. C’est à peine croyable. Pour nos dirigeants qui ne sont que des gestionnaires et ne sont jamais descendus de leur tour, nous ne sommes que des coûts qu’il faut absolument diminuer. On a l’impression d’être à la chaine, d’être des distributeurs de médicaments et de ne plus avoir le temps d’être bienveillant avec les personnes. Ce qui compte pour la direction, ce sont les chiffres : cela va toutes petites mesures – ces cafés qui nous sont interdits, sauf si on amène le nôtre ou les pots de compote qui sont rationnés et dont certains résidents sont privés – à des plus grandes comme ce projet de temps de travail qui ne va pas nous aider à recruter.

Les salariées valletaises.

« UN ACCORD MIEUX-DISANT » SELON LA DIRECTION

Alors que une majorité des 370 établissements (crèches, Ehpad, boutiques d’opticiens et audioprothéistes, cabinets dentaires, services à domicile…), employant 4500 salariés, étaient touchés par des mouvements de contestation du personnel, la direction de Vyv3 Pays de la Loire a tenu à apporter des précisions sur le projet d’accord sur le temps de travail et les discussions en cours avec les partenaires sociaux. « Contrairement à ce qui est entretenu, le projet a été conçu pour apporter davantage d’équité entre les salariés, tout en garantissant les spécificités propres aux différents métiers dans le respect des conventions collectives que l’on maintient bien évidemment », assure l’entreprise mutualiste. « Privée à but non lucratif », insiste-t-elle.

Pour Vyv3, la croissance du groupe a été réalisée par la fusion d’entités. « Cela a automatiquement remis en cause les accords d’entreprise antérieurs et nécessité de définir de nouveaux accords encadrant l’organisation du temps de travail », explique la direction.

Aujourd’hui, elle propose « la convergence de tous les salariés à l’organisation annualisée du temps de travail ». « Cela vise à aboutir à un accord équilibré et juste, permettant d’assurer une cohérence dans une même entreprise sur les règles de temps de travail. Tout cela favorise le bien-être des salariés et assure l’équité pour tous, assure-t-elle, par la voix de Dominique Majou, directeur général en Pays de la Loire. D’ailleurs, de nombreuses spécificités métiers ont été intégrées à l’accord. Nous avons d’ailleurs demandé que les besoins non-couverts soient précisés, mais n’avons eu aucune sollicitation à ce jour ».

Elle regrette le blocage des négociations  avec les syndicats, le 2 avril dernier, alors que 15 réunions ont eu lieu sur ce sujet depuis environ un an. « Le projet d’accord est constitué d’un socle commun sur le temps de travail applicable à tous les salariés et aux cadres au forfait jour. Ce socle commun de 1 582 heures de travail annuel (hors salariés au forfait jours) est mieux disant que le cadre légal de 1 607 heures. Il est complété par des adaptations qui seront mises en place pour prendre en compte les spécificités et la diversité des différents métiers », développe celle qui estime que cet accord commun est « plus favorable ». Elle reste ouverte au dialogue d’ici le mois de juin.

L’inquiétude de l’absence d’une collègue ou de ne pas trouver des remplaçants pendant les vacances sont très prégnants. Les représentantes du personnel ne compte plus « les burn out, y compris des cadres dirigeants, la perte de sens et les autres pathologies physiques (fatigues, maux de dos…) et psychologiques (stress, angoisses…) ».

Aujourd’hui, on fait du monopoly avec la santé. Y compris chez un mutualiste qui n’en a plus que le nom. Il n’y a plus de solidarité, mais de la recherche de bénéfice. Cela a un impact chez les résidents, puisque s’il y a un mauvais environnement de travail, il ne peut y avoir un bon accompagnement.

Loïc Chailleux, ancien secrétaire de l’Union locale de Clisson, venu avec plusieurs camarades, épauler le personnel.

Des salariés qui seront prêts à de nouveau quitter leur blouse, s’il y a d’autres appels à la mobilisation. Le projet doit être ratifié en juin. Pour l’instant, il ne comportera qu’une signature, celle de la direction.

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