Les règles européennes ont-elles fait monter le prix des petites voitures ?

Dans Le Figaro de mardi, le patron de Renault, Luca de Meo, a sorti la calculette : « Entre 2015 et 2030, le coût d’une Clio aura augmenté de 40 % », pointe-t-il. La raison, selon lui, est imputable « à 92,5 % à la réglementation ». « Les régulations européennes en matière de dépollution et de sécurité ont fait monter les prix », acquiesce Clément Dupont-Roc, directeur stratégie du cabinet C-Ways. « Et pour une voiture à 15 000 euros, cela se voit beaucoup plus, en proportion, que pour une automobile à 40 000 ». « D’autres facteurs de hausse de prix existent, complète Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem. Le premier est l’inflation sur les matériaux et l’énergie et un autre, davantage de la responsabilité des constructeurs, est la tendance à monter en gamme en matière d’équipements pour avoir des marges plus fortes, même sur les citadines ».

Dans ce même article, John Elkann, le président de Stellantis, affirme que les Fiat 500 et R5 ont comme « passé des semaines à la salle de muscu ! », tant leur gabarit a augmenté. Un effet des réglementations ? « Oui, car pour les petites voitures, la compacité est vraiment quelque chose qu’on essaye de conserver au maximum. Or, il n’y a qu’à voir les portières : elles se sont élargies pour faire entrer des organes de sécurité », constate Clément Dupont-Roc.

Faudrait-il simplifier la réglementation pour proposer des petites voitures moins chères ?

Luca de Meo fustige la dernière norme GSR2 : « Faut-il absolument une assistance au non-franchissement de ligne dans des voitures qui passent 95 % de leur temps en ville ? », questionne-t-il. Pour Clément Dupont-Roc, il pourrait être opportun, comme le souhaite le boss de Renault, de construire un segment de marché entre le « quadricycle léger motorisé de 450 kg à 11 000 euros et la voiture électrique d’une tonne à 20 000. Cette nouvelle catégorie pourrait être soumise à des normes allégées sur la sécurité, pour des prix de 15-16 000 euros ». L’expert de C-Ways considère d’ailleurs que le « seul moyen de faire revenir l’industrie européenne à des niveaux de production d’avant-crise est de rendre les voitures plus abordables ». « Et si on veut, en ville, une mobilité plus douce, il faudrait peut-être changer certaines règles, abonde Flavien Neuvy. Alors que là, les gens conservent leur voiture, le parc roulant vieillit et est donc plus polluant ».

Les petites voitures peuvent-elles sortir l’industrie automobile européenne de l’ornière, plutôt que les autos premium allemandes ?

Les deux patrons de Renault et Stellantis constatent un clivage entre leurs deux groupes, qui vendent beaucoup de petites voitures « populaires », notamment en France, en Italie et en Espagne, et les constructeurs allemands avec leurs autos « premium », qui s’exportent beaucoup. « Comme la Commission européenne est dominée par les Allemands, toutes les réglementations mises en place l’ont été pour favoriser les ventes de leurs constructeurs », souligne Clément Dupont-Roc. Combien de temps survivront des Volkswagen ou Audi, en Chine et aux États-Unis ? « Plutôt que de brûler de l’argent là-bas, peut-être feraient-ils mieux d’investir pour ne pas se faire manger en Europe, souligne Clément Dupont-Roc. De Meo et Elkann l’ont bien compris et sont plus enclins à construire une industrie européenne pour l’Europe et non pour l’export ».