Les signes d’une réinitialisation diplomatique entre l’Union européenne et la Chine continuent de s’intensifier, bien que Pékin ait réaffirmé son partenariat « sans limites » avec Moscou, qui était jusqu’à récemment considéré comme un facteur disqualifiant aux yeux de l’Union européenne.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et António Costa, président du Conseil européen, ont échangé mardi des messages avec le président Xi Jinping et le premier ministre Li Qian, à l’occasion du 50e anniversaire des relations bilatérales.
D’un ton optimiste, les déclarations soulignent la volonté mutuelle de faire progresser la coopération dans des domaines d’intérêt commun et de relever ensemble les défis mondiaux.
Cet anniversaire « intervient à un moment d’incertitude mondiale et de changements géopolitiques, ce qui souligne notre responsabilité commune dans la défense de tous les principes inscrits dans la Charte des Nations unies », ont écrit Mme von der Leyen et M. Costa.
« Dans ce contexte, nous restons déterminés à approfondir notre partenariat avec la Chine. Une relation équilibrée, fondée sur l’équité et la réciprocité, est dans notre intérêt commun ».
Le communiqué publié par le bureau de M. Xi était plus détaillé et plus optimiste, décrivant l’anniversaire comme une occasion d' »ouvrir un avenir meilleur pour les relations entre la Chine et l’UE ».
« Des relations saines et stables entre la Chine et l’UE sont non seulement bénéfiques pour les deux parties, mais elles profitent également au monde entier », peut-on lire dans le communiqué de presse.
Cette formulation contraste fortement avec la politique menée par Mme von der Leyen au cours de son premier mandat présidentiel, lorsqu’elle a inventé le terme « de-risking » pour éliminer les dépendances dangereuses à l’égard de la Chine et qu’elle a régulièrement dénoncé les relations de Pékin avec Moscou.
« L’objectif clair du parti communiste chinois est un changement systémique de l’ordre international avec la Chine en son centre », a-t-elle déclaré dans un discours historique prononcé en mars 2023.
L’attitude dure de Mme Von der Leyen a été saluée par l’administration américaine de Joe Biden et a rapproché les États membres d’une position unifiée sur la Chine, même si d’importants désaccords subsistent. Pékin, en revanche, n’a pas apprécié l’approche et a sévèrement critiqué le « de-risking », qu’elle a qualifié d’ouvertement conflictuel et politiquement motivé.
Lorsque Mme von der Leyen s’est présentée pour un second mandat en juillet 2024, ses lignes directrices promettaient la poursuite de la même politique, sans aucun signe d’adoucissement.
« La posture plus agressive et la concurrence économique déloyale de la Chine, son amitié « no-limits » avec la Russie – et la dynamique de ses relations avec l’Europe – reflètent un passage de la coopération à la concurrence », a écrit Mme von der Leyen.
Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a changé le calcul géopolitique du jour au lendemain, forçant l’UE à reconsidérer ses relations avec ses alliés comme avec ses adversaires.
Les tarifs douaniers radicaux de M. Trump, en particulier, ont incité Bruxelles à réexaminer la manière dont elle s’engage avec la Chine, la deuxième économie mondiale, et ont rapidement alimenté les spéculations sur une réinitialisation diplomatique imminente, une impression encore renforcée par les messages envoyés à l’occasion du 50e anniversaire.
Ursula von der Leyen et Xi Jinping doivent se rencontrer à la mi-juillet. – European Union, 2023.
Un timing mal choisi
La célébration de l’échange s’est toutefois déroulée à un moment très délicat.
Mercredi, Xi Jinping s’est rendu à Moscou pour une visite d’État de quatre jours qui comprendra le défilé militaire organisé par Vladimir Poutine à l’occasion du Jour de la Victoire, le 9 mai, un événement que Bruxelles a qualifié de propagande. M. Poutine a déclaré que M. Xi serait « l’invité principal » du défilé.
La présence du président chinois a soulevé la question de savoir si Mme von der Leyen, fervente partisane de l’Ukraine, serait désormais prête à changer de vitesse et à négliger l’alliance de Pékin avec Moscou au profit d’opportunités commerciales.
Paula Pinho, porte-parole en chef de la Commission, a admis que le partenariat Xi-Poutine n’était « clairement pas un élément constructif », mais a déclaré que l’UE pouvait toujours travailler de manière « constructive » avec la Chine sur d’autres questions, comme le changement climatique et le commerce mondial.
« Nous voyons un certain nombre de domaines dans lesquels nous pouvons nous engager avec la Chine et où nous pouvons obtenir des résultats plus significatifs si nous travaillons ensemble. C’est précisément ce que nous nous réjouissons de faire », a déclaré Mme Pinho mercredi. « Dans les domaines où nous avons des points de vue différents, nous continuons à nous engager avec beaucoup d’ouverture et de sincérité ».
La porte-parole a fait remarquer que la Chine, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, avait « la responsabilité de dénoncer les violations évidentes de la Charte de l’ONU », telles que l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, que Pékin qualifie simplement de « crise ».
« Si la Chine veut mettre fin à la guerre en Ukraine, elle peut avoir un rôle à jouer », a-t-elle ajouté.
L’amitié étroite entre Pékin et Moscou est une source importante de fiction dans les relations entre l’UE et la Chine, mais ce n’est certainement pas la seule.
D’autres tensions concernent les exportations massives de produits chinois à bas prix, le recours massif aux subventions publiques au détriment des concurrents étrangers, les réglementations protectionnistes qui empêchent un accès équitable au marché chinois, la surveillance des citoyens et des entreprises, la gestion de la pandémie de COVID-19, le comportement agressif dans le détroit de Taïwan, la répression de la minorité ouïghoure dans la région du Xinjiang, les violations des droits de l’homme, les cyber-attaques et les campagnes de désinformation.
Toutes ces questions devraient être au cœur du sommet UE-Chine prévu pour la mi-juillet.
À l’approche de cette échéance cruciale, les deux parties ne ménagent pas leurs efforts : Bruxelles a accepté de relancer les négociations sur les véhicules électriques fabriqués en Chine, tandis que Pékin a levé les sanctions prises à l’encontre de cinq membres du Parlement européen.