Par
Thibault Nadal
Publié le
7 avr. 2025 à 6h08
Elle est la dernière enseigne d’une longue liste à avoir baissé le rideau. Après seulement six années d’existence, la boutique King Jouet du boulevard Saint-Michel à Paris, a fermé ses portes le 29 mars 2025, au grand dam des enfants qui y passaient devant AVEC des étoiles dans les yeux. « Un constat d’échec », pour Maxime Bonati, le directeur depuis son ouverture en 2019. Pour expliquer son départ, la direction nous fait savoir que « la perte de dynamisme du quartier Sorbonne – Saint-Michel » en est la principale cause.
« Nombre de magasins y ont fermé et n’ont toujours trouvé repreneur, ce qui le rend moins attractif pour les consommateurs, impactant de fait le flux clients et les ventes des enseignes encore présentes », ajoute-t-elle. Par conséquent, la direction a fait le choix de déménager cette boutique dans le quartier Saint-Lazare (8e), un « contexte plus favorable » pour l’ouverture de nouveaux commerces.
Sur le secteur Saint-Michel, c’est une banque qui devrait prendre le relais dans ses imposants locaux (400 m2) qui font l’angle avec la place de la Sorbonne.
« Un magasin de jouets est un complément, il ne peut pas être une locomotive »
Sur tout le boulevard long de près de deux kilomètres, les locaux vides sont nombreux : plus d’une vingtaine selon notre décompte. « Le boulevard a bien changé, il n’est plus comme avant. Avant, il n’y avait quasiment pas un local vide. Maintenant, c’est l’inverse », affirme Gilles, patron de Maryline, une boutique de chaussures depuis 1985.
Après seulement six ans d’existence sur le boulevard Saint-Michel (Paris, 5e), l’enseigne King Jouet a fermé ses portes le 29 mars 2025. (©TN / actu Paris)
Déjà bien affaibli depuis la crise du Covid-19, le boulevard Saint-Michel continue de voir disparaître ses boutiques les unes après les autres : King Jouet et Benetton fin mars 2025, Celio, il y a plus d’un an, pour les plus connues. Des départs qui font mal aux autres enseignes. « Un magasin de jouet est un complément, pas une locomotive », explique froidement Maxime Bonati. En réponse à ces fermetures, les ouvertures se font plus rares : un Five Guys, un Dr Martens et un Intermarché doivent faire leurs apparitions dans les prochains mois. Mais ce sont surtout les enseignes de solderies ou à bas prix qui poussent ces derniers mois.
« Il faut que les grosses enseignes reviennent. Ce sont elles qui font venir les clients », abonde Gilles, gérant de Maryline, une boutique de chaussures depuis 1985.
Le boulevard Saint-Michel est en péril. C’est un quartier qui dépérit d’années en années.
Maxime Bonati
Directeur du King Jouet Saint-Michel
La problématique des loyers
Le prix des loyers est l’autre argument avancé par les commerçants pour justifier cette abondance de locaux vides. « On a essayé de négocier une baisse, mais ça n’a pas été possible », confie Maxime Bonati.
Gilles, lui, explique payer 7 000 euros par mois, soit un quart de son chiffre d’affaires. « C’est bien trop cher », souffle-t-il. Pourtant, celui qui travaille avec son fils, Fabien, confie travaillé plus qu’avant. « J’ai dû me résoudre à ouvrir le dimanche pour tenir. Désormais, on travaille uniquement pour payer nos charges ».
Lassés de cette situation, les deux hommes qui souhaitent « tenir », commencent tout de même à envisager de céder leur commerce. « Si ça ne ranime pas, on va tomber aussi. Le boulevard est en train de s’éteindre ».
Le secteur du commerce en crise
Cette problématique est partagée par Florence Berthout, maire (Horizons) du 5e arrondissement et son homologue du 6e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq (LR). Les deux édiles qui se partagent un trottoir chacun du boulevard, les trouvent « trop chers », « exorbitants » ou « pas attractifs » pour un boulevard « sinistré », selon Florence Berthout.
Ils constatent également un changement dans les habitudes des gens : télétravail, baisse du pouvoir d’achat, crise du domaine du textile, concurrence de la vente en ligne. Autant de facteurs qui expliquent cette difficulté pour les commerçants du boulevard Saint-Michel, mais globalement dans l’ensemble de Paris.
Depuis plusieurs années, le boulevard Saint-Michel à Paris est sujet à des travaux qui le rendent moins attractifs. (©TN / actu Paris)
Lors d’une précédente enquête réalisée en 2021 par actu Paris, Jean-Pierre Lecoq affirmait que le quartier « devait se réinventer ». Quatre plus tard, il dresse le constat que presque rien n’a changé. « Ça fait dix ans que c’est comme ça ». Seule sa partie basse semble mieux se porter depuis la réouverture de Notre-Dame. « Il faut maintenant réussir à faire remonter les touristes, car c’est vraiment le secteur de la rue aux écoles à la rue Soufflot qui souffre le plus. »
ZTI, préemption… Les solutions des maires d’arrondissement
Pour y parvenir, les deux maires d’arrondissements se battent pour que l’ensemble de la capitale passe en Zone touristique internationale (ZTI), rendant possible l’ouverture des commerces le dimanche. Une mesure à laquelle la mairie de Paris est opposée. « Une bêtise » pour Florence Berthout qui estime que cette mesure « n’est pas un remède miracle, mais elle faciliterait l’installation de certains commerces ». « Cela donne du boulot aux étudiants », ajoute Jean-Pierre Lecoq.
Sur un point, la vision des deux élus diverge. Florence Berthout souhaiterait mener une politique de préemption. « Ça coûte très cher », répond son homologue.
Pour constater l’état de la situation et ne pas laisser mourir le boulevard, l’adjoint au Commerce de la ville de Paris, Nicolas Bonnet-Ouladj, doit se rendre dans tous les prochains jours dans le secteur Saint-Michel.
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