« C’est comme un noyé que l’on sortirait de l’eau… On revit », souffle Sophie (1). Cette mère de famille est locataire de Côte d’Azur Habitat. « Depuis une vingtaine d’années », confie-t-elle. « Au départ tout se passait bien. Jusqu’en 2022, lorsqu’un groupe de jeunes a commencé à squatter devant l’immeuble. Ils ont installé des fauteuils, des bancs, des tables… Ils faisaient du business. » L’adresse de Sophie est devenue un point de deal. Il aura fallu deux ans pour le démanteler. « Deux années de cauchemar. »
L’expérience se généralise
Sophie évoque les allées et venues incessantes des voitures et des scooters, les appels à la police répétés, les menaces et les intimidations. « Un dimanche, une bande d’une cinquantaine de jeunes – ou plus – a passé la journée à tourner autour de l’immeuble en hurlant des insultes et en tirant en l’air. On a appris après que c’était des balles à blanc. Tous les habitants étaient terrorisés. Vous savez, souligne-t-elle, dans les logements sociaux il y a surtout des gens honnêtes et dignes qui vivent là parce qu’ils ont de petits moyens. »
Des « gens » ordinaires qui, comme elle, « n’osent plus inviter la famille et les amis », vivent « la peur au ventre que ses enfants adolescents se fassent embrigader par les dealers ». Pour les déloger, les résidents de son immeuble ont tout tenté jusqu’à mobiliser la direction de Côte d’Azur Habitat. Et ça a marché. Grâce à la mobilisation conjointe entre le bailleur social, les services de l’État et le parquet de Nice.
Une convention les lie depuis 2021. Elle permet, au travers de comités opérationnels, une meilleure remontée d’information des situations problématiques au sein du parc social et la mise en place de réponse conjointe. « Chacun dans son rôle », insiste le procureur de la République Damien Martinelli, néanmoins ravi de l’expérience. Au bout de quatre ans, elle vient d’ailleurs d’être étendu sur l’ensemble du ressort du tribunal de Nice, c’est-à-dire à la moitié est du département, et à l’ensemble des bailleurs sociaux. Soit près de 24.000 logements.
« Parce que le droit à une vie paisible n’est pas un luxe », insiste le secrétaire général et préfet par intérim Patrick Amoussou-Adeble. Garantir ce droit, en luttant plus efficacement contre les trafics et les incivilités, c’est l’objectif de la convention signée mercredi 7 mai 2025 entre l’État, le parquet et désormais l’ensemble des bailleurs sociaux. Sur la voie de celle conclue il y a quatre ans avec Côte d’Azur Habitat. Un cadre administratif et juridique qui a permis, se félicite Christian Estrosi, « de faire passer le nombre d’expulsions de locataires indélicats de 26 à 183 aujourd’hui ».
S’attaquer au délit des occupations illicites
C’est grâce à une telle mesure que Sophie et ses voisins ont « retrouvé la paix ». « Deux des jeunes qui avaient pris possession des lieux habitaient l’immeuble. Leur famille a été déménagée et les choses sont redevenues normales », explique-t-elle. Une bonne illustration de la devise martelée par le procureur de la République de Nice: « Pour tenir la voie publique, il faut tenir les étages ». C’est le sens de cette nouvelle convention qui entend bien s’attaquer aussi aux occupations illicites, les squats, qui depuis une loi promulguée en 2023 sont devenues un délit.