Presque dix ans déjà que ce duo d’artistes – elle est danseuse et interprète, lui est comédien, danseur, chanteur… – s’est lancé dans la mise en scène, avec une certaine Belle Hélène. C’était en 2017.

CV rapidement brossé: Alice Masson et Quentin Gibelin, metteurs en scène et chorégraphes, se sont rencontrés au centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape sous la direction de la chorégraphe Maguy Marin.

Ils sortent dans les années 2010, fondent la compagnie Le Roy s’Amuse, dont ils sont les directeurs artistiques, s’intéressent au jeu du corps autant qu’à la danse et au chant, et à l’objet.

L’essence de leur travail d’ailleurs se résume avec ces quatre mots: danse, théâtre, chant et objet. Normal quand on sait qu’Alice Masson, danseuse, a également beaucoup travaillé la marionnette contemporaine – « un autre rapport au corps et à la narration, cela m’a permis de mettre en scène un objet en lien avec le corps », résume-t-elle – et que Quentin s’intéresse à « l’accessoire qui va raconter quelque chose ».

Première création donc, La Belle Hélène en 2017. Cette même héroïne qu’ils mettent en scène dans une tout autre version, forcément empreinte d’humour, produite par l’Opéra de Toulon en collaboration avec l’Opéra de Rouen.

Une mise en scène qui plonge le spectateur dans une dystopie pas si éloignée de notre quotidien, pour laquelle ces deux jeunes visages de la création artistique travaillent « à la partition », appuie Alice Masson.

Votre Belle Hélène 2025 se situe dans un futur proche où la technologie est absente. Pourquoi ce choix?

Alice Masson: On a un goût théâtral pour la machinerie, mais là ça nous plaisait de raconter une histoire où l’objet, la couronne, les rubis, l’or, restent importants.

Quentin Gibelin : La dystopie nous permet de bien parler d’aujourd’hui tout en faisant un voyage qui n’est pas notre quotidien. On n’est pas dans le réalisme, elle nous permet de raconter des choses d’aujourd’hui sans les téléphones portables, sans les tablettes, sans les téléviseurs… Ce que faisaient déjà à l’époque les auteurs Offenbach, Meilhac et Halévy. Il y a vraiment une dimension très contemporaine à leur histoire.

Ils utilisaient le prisme de l’Antiquité pour dénoncer le régime de Napoléon III. Les travers de l’époque sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui, en fin de compte?

Q. G. : C’est le triste constat qu’on peut faire, le fait que rien ne change.

A. M. : On a cette double piste dans la mise en scène: rien ne change aujourd’hui. Les puissants se comporteront toujours comme des puissants et délaissent le peuple. Et il y a Hélène, amoureuse de Paris, et cet amour vaut toutes les folies. On raconte ces deux axes de manière égale, d’une manière paradoxale aussi mais c’est pour nous ce qui déclenche l’humour que de garder ces deux fils parallèles.

Q. G. : C’est un scénario très moderne en fait. Tout le monde veut être calife à la place du calife… On parle des travers de l’humain dans une espèce de joyeuseté, d’humour, et c’est un canal qu’on apprécie énormément. D’autant plus qu’on a besoin de légèreté en ce moment.

A. M. : On prône aussi l’idée que pour le public, venir au théâtre est un acte fort, alors on a envie qu’il s’amuse et s’émerveille.

Vous travaillez à Toulon dans un contexte particulier (1). Est-ce que cela impacte votre travail?

A. M. : Forcément, parce qu’on dirige des personnes qui se trouvent dans une situation très délicate, pour qui l’acte de venir en plateau est questionné. Ce n’est pas anodin de diriger dans cette situation-là. Mais on le fait en conscience. On leur en a parlé, et notre réponse est dans la mise en scène, qui met en avant le chœur. On avait fait la demande auprès de l’Opéra de Toulon, avant ces événements, pour préparer le projet, de les rencontrer car on est très attachés au geste, on avait une grande joie d’explorer le rapport au corps avec des personnes un peu plus âgées que la moyenne habituelle. De voir ce qui était possible ou pas. C’était une grande joie pour nous, ça l’est toujours, même si le contexte est particulier.

1. Le chœur de l’Opéra de Toulon est menacé de licenciement.

>> Les 13, 15 et 16 mai à 20h, 18 mai à 14h30. Tarifs: de 5 à 79 euros. Renseignements: operadetoulon.fr

Version concert le 17 mai place de l’Opéra à Toulon

L’Opéra de Toulon propose le samedi 17 mai à partir de 19h, une version concert de La Belle Hélène. Rendez-vous place de l’opéra à Toulon à 19h, pour assister à ce concert exceptionnel en présence de l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Toulon sous la direction musicale de Romain Dumas. Une occasion d’entendre les plus grands airs de cet opéra-bouffe signé Offenbach.

>> À 19 h place de l’Opéra à Toulon. Gratuit.