Ici Armorique, France 3, Ouest-France. En quelques heures, ce mardi 6 mai, Nathalie Appéré s’est démultipliée. Une forte présence médiatique de la maire de Rennes, en réaction à la dernière fusillade en date sur fond de narcotrafic dans sa ville. Pas une offensive de communication, assurent ses proches, expliquant avoir simplement répondu à des invitations. Mais elle témoigne malgré tout d’un changement sur la forme, à défaut d’évolution sur le fond. Ce, à moins d’un an des municipales, où l’insécurité promet d’être un thème majeur. Et son principal talon d’Achille.

Trois interviews données en quelques heures pour répéter trois grands messages. La lutte contre le narcotrafic reste une « mission éminemment régalienne », donc de la responsabilité première du gouvernement. Ensuite, parce que Rennes a longtemps été relativement épargnée, les moyens dédiés par l’État n’y sont plus à la hauteur. Enfin, l’élue « remue ciel et terre » pour obtenir que ces moyens soient renforcés durablement, avec des effectifs supplémentaires.

Armer la police municipale ? C’est toujours non

« Si l’on pense que c’est l’action d’un maire d’arrêter un trafiquant de Marseille qui vient tirer à Rennes contre un autre originaire de Nantes, on se trompe », se défausse-t-elle sur France 3. Avant de rappeler que, de son côté, elle a musclé le dispositif de vidéosurveillance, doublé les effectifs de la police municipale, mis en place des patrouilles de nuit et les a équipées de taser. Aller plus loin en les dotant d’armes létales ? C’est toujours non. « Ne faisons pas croire qu’il suffirait d’armer la police municipale pour résoudre ce problème », répète la maire. Omettant, au passage, que les agents réclament des armes avant tout pour leur protection personnelle.

La maire laisse une porte entrouverte. « Je dis la même chose depuis des années : l’équipement des policiers municipaux dépend de leurs missions, fixées par la loi. Il y a aujourd’hui des réflexions en cours pour qu’elles évoluent. Si c’est le cas, nous serions amenés à réfléchir. » Une gageure : en privé, ses proches reconnaissent que ces « réflexions », menées sous l’égide du ministère de l’Intérieur, ont peu de chances d’aboutir sur une réforme, faute de consensus entre élus locaux et de majorité à l’Assemblée. Reste que la loi l’autorise déjà à armer sa police, comme vient d’ailleurs de le décider le maire écologiste de Bordeaux.

Aujourd’hui, le son de cloche à Paris, c’est qu’il y a plus grave ailleurs

Sur la forme, en revanche, la maire rompt avec de vieilles habitudes. L’élue a toujours pris soin de rester discrète sur ses échanges avec les représentants du gouvernement. Préfets, ministres, présidents… Une méthode assumée au nom du « respect républicain ». Mais aussi de l’efficacité. « C’est comme ça qu’on a réussi à obtenir une Compagnie départementale d’intervention en 2016, souligne son entourage. Jusqu’ici, ça fonctionnait. »

Pression publique sur l’État

Désormais, Nathalie Appéré n’hésite pas à dire tout haut sa frustration de ne rien voir venir. À la mesure de l’espoir suscité par son échange avec Emmanuel Macron, en marge de ses vœux aux armées près de Rennes, fin janvier 2025. À cette occasion, le président et sa conseillère sécurité lui auraient assuré que l’État avait compris le message. Quelques semaines plus tard, la municipalité a même pensé qu’une annonce était imminente. « Les réseaux de la maire à Paris lui laissaient entendre que ça arrivait, narre un membre de son entourage. Tout le monde, même du côté de la police, y croyait dur comme fer. »

 

Qui est vraiment Nathalie Appéré ? Retrouvez l’enquête du Mensuel de Rennes

 

 

Depuis, les arbitrages du ministère, rendus dans un contexte budgétaire ultra-tendu, sont tombés. Rien, ou presque, pour Rennes. Et l’avenir proche ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Lundi 28 avril, l’édile rennaise a rencontré Louis Laugier, le directeur général de la Police nationale, a-t-elle raconté à Ouest-France. « Aujourd’hui, le son de cloche à Paris, c’est qu’il y a plus grave ailleurs. En attendant, la ville reste sous-dotée en effectifs et elle est aussi un territoire vierge pour les cartels, s’inquiète une proche. Tout cela créer les conditions d’une convoitise très forte ».

Sans renfort de Paris ni évolution de son propre logiciel, la maire choisit donc de faire bouger le discours. Face aux critiques de ses oppositions, Nathalie Appéré ne cesse de répéter qu’elle n’a « ni dogme, ni tabou ». Et cherche à se montrer « du côté d’ordre », comme elle le déclarait dans le Monde, le 15 mars dernier. Accusée d’être « focalisée sur le répressif » par les Insoumis, la maire s’était laissée aller à une petite phrase assassine, dont elle est d’ordinaire avare : « On n’arrête pas les réseaux avec des concerts ou des « classes nature » ». Sans savoir – ou pas – qu’elle paraphrasait l’ex-député Florian Bachelier qui, en 2024, accusait la municipalité de privilégier « les kermesses et autres concours de cabanes en bois à la sécurité des habitants ».