Le vol de cette fusée aux dimensions réduites, tirée à 12h30 depuis la base spatiale d’Andøya en Norvège, a vite tourné au fiasco. Vingt secondes après son lancement, elle est visiblement sortie de la trajectoire prévue, loin de la verticalité attendue. Après une oscillation plus marquée dans un sens puis dans un autre, elle a fini par pivoter complètement et pointer vers la Terre. Moteurs éteints, elle s’est écrasée quelques secondes plus tard dans la mer jouxtant la base, dans un impressionnant panache de fumée et de flammes.


Ce vol de moins de 30 secondes «a permis à l’entreprise d’accumuler une quantité considérable de données et d’expérience à exploiter lors de futures missions», a commenté la société dans son communiqué diffusé après cette première tentative. Basée à Munich, Isar Aerospace fait partie de cette nouvelle cohorte de sociétés positionnées sur le segment des microlanceurs. Il s’agit de fusées capables de mettre des charges de l’ordre d’une tonne en orbite basse, soit 20 fois moins environ qu’une fusée comme Ariane 6 ou la Falcon 9 de SpaceX.


Leur avantage : pour un lancement moins cher, ces lanceurs permettent de compléter une constellation en déposant une poignée de satellites sur des plans orbitaux précis ou faire des remplacements ponctuels d’appareils désorbités pour une raison ou une autre (panne technique, ergols épuisés, fin de vie…). Ils sont par contre moins adaptés que les gros lanceurs pour la mise sur orbite de plusieurs dizaines de satellites simultanément.


Les exemplaires n°2 et n°3 déjà produits


L’échec d’Isar Aerospace rappelle que la technologie spatiale est loin d’être triviale : selon les statistiques, le vol inaugural d’un nouveau lanceur a 50% de chance de succès. Cela est notamment dû au fait que les sociétés qui produisent des microlanceurs sont souvent très intégrées verticalement : elles développent à la fois les différents étages, la coiffe et les moteurs. Autant de défis technologiques… Qu’il faut souvent relever dans des délais très courts. «Au cours des sept dernières années, Isar Aerospace a conçu, développé et construit son propre lanceur Spectrum à partir d’une feuille blanche», se félicite la société allemande, faisant valoir une «création de valeur quasi-intégrale en interne».


Reste que cet essai manqué sonne comme un avertissement pour tous les autres microlanceurs qui ont prévu d’effectuer leur premier vol orbital dans les 24 à 36 mois. Parmi eux : les français MaiaSpace, Latitude, Sirius et HyPrSpace, l’espagnol PLD Space, le britannique Orbex ainsi que les allemands Rocket Factory Augsburg et HyImpulse. Un avertissement d’autant plus important qu’Isar Aerospace présentait l’un des dossiers les plus solides du newspace aux yeux des investisseurs. Depuis sa création en 2018, la société a levé environ 400 millions d’euros et compte environ 400 salariés.


Surtout que chaque lancement est scruté de près. L’agence spatiale européenne (ESA) a lancé le 24 mars une compétition entre les différents projets de microlanceurs européens, à travers la procédure dite de l’European launcher challenge. Les deux ou trois gagnants de ce processus se verront accorder un financement de l’ordre de 150 millions d’euros. Les exemplaires n°2 et n°3 de Spectrum, déjà construits, sont autant d’essais supplémentaires pour se démarquer.