Au lendemain d’une démonstration de force diplomatique de Vladimir Poutine sur la place Rouge, les dirigeants européens se retrouvent à Kiev pour faire avancer le projet de cessez-le-feu de 30 jours et affirmer leur unité aux côtés de l’Ukraine.

Cela faisait trois ans qu’il ne s’était pas rendu en Ukraine. Sur le quai de la gare centrale de Kiev ce samedi matin, Emmanuel Macron était cette fois accompagné du chancelier allemand Friedrich Merz et du premier ministre britannique Keir Starmer. Ils seront bientôt rejoints par le premier ministre polonais, Donald Tusk. Cette visite, coordonnée est symbolique, au lendemain des fastes militaires du Kremlin sur la place rouge pour le 9 mai. À Moscou, Vladimir Poutine célébrait la victoire soviétique contre le nazisme entouré, entre autres, du chinois Xi Jinping, du brésilien Luiz Inacio Lula et du slovaque Robert Fico. À Kiev, ce sont les soutiens européens qui se pressent pour afficher leur solidarité, et, surtout, faire avancer un projet commun de cessez-le-feu.

« Ce déplacement a pour objectif de bâtir sur la dynamique actuelle en faveur d’un cessez-le-feu complet, inconditionnel et de 30 jours, pour lequel nous avons plaidé et travaillé avec tous nos partenaires », explique l’Élysée. Cette pause dans les combats, soutenue par Washington, doit ouvrir la voie à un processus de paix. Les Ukrainiens y sont prêts depuis le 11 mars, date à laquelle ils ont accepté le principe d’un cessez-le-feu à Djeddah. La Russie, elle, refuse toujours de s’engager, préférant des trêves temporaires selon son propre calendrier.

Depuis la Pologne, jeudi soir, Emmanuel Macron a embarqué dans un train à destination de Kiev, non loin de la frontière. Dans le wagon de tête, autour d’une table en acajou, Friedrich Merz et Keir Starmer l’ont rejoint pour un échange informel en tenue décontractée. Donald voyage séparément et rejoindra ses paires à Kiev. La veille, à Nancy, il avait fustigé les dirigeants européens présents à Moscou : « Applaudir Poutine pendant qu’il bombarde des hôpitaux et des écoles en Ukraine est une honte », avait-il lancé.

Coordination européenne

La visite vise à souligner la coordination retrouvée d’un axe occidental, qui a souvent peiné à parler d’une seule voix. À Kiev, les quatre dirigeants doivent d’abord rencontrer Volodymyr Zelensky. Ensemble, ils participeront à une réunion virtuelle avec les membres de la « coalition des volontaires », ce noyau d’États européens et nord-américains qui travaillent à l’après-guerre. Objectif : jeter les bases d’une force conjointe, « aérienne, terrestre et maritime », capable de régénérer l’armée ukrainienne une fois la paix revenue. « La souveraineté de l’Ukraine devra être respectée. Il faudra aussi faire droit à sa demande de garanties de sécurité », insiste-t-on encore à l’Élysée.

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les Européens redoutent une paix bâclée, négociée entre Washington et Moscou sans Kiev. Mais les récents signaux venus des États-Unis —l’appel de Trump à un cessez-le-feu « inconditionnel de 30 jours », lancé à l’issue d’un échange téléphonique avec Zelensky, mais aussi la signature de l’accord minier — ont quelque peu rassuré. « Nous saluons l’appel fait en ce sens par le président Trump. La Russie doit désormais l’accepter, sans conditions ni tactiques dilatoires », affirme l’Élysée. Faute de quoi, Européens et Américains promettent de renforcer la pression, notamment économique, sur le Kremlin.

Un accord encore possible

Le calendrier a été soigneusement choisi. Alors que Vladimir Poutine célébrait l’armée russe vendredi sur la place Rouge, les dirigeants européens doivent se recueillir sur la place Maïdan, au pied des drapeaux qui honorent les morts de l’agression russe. Les Européens rendent hommage à ceux qui défendent l’Ukraine, au moment où Moscou revendique l’occupation et l’annexion de 20 % de son territoire.

Sur le terrain, les combats ne faiblissent pas. Moscou a annoncé une trêve de trois jours à l’occasion du 9 mai — un cessez-le-feu unilatéral et largement violé, selon Kiev. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a aussitôt rejeté les appels occidentaux, exigeant un arrêt préalable des livraisons d’armes à l’Ukraine. Une condition inacceptable pour les alliés de Zelensky.

Alors que les discussions se poursuivent en coulisses, à Paris, Londres et maintenant Kiev, l’entourage du président veut croire qu’un accord est encore possible. « Nous espérons aboutir dans les prochaines heures et les prochains jours à un plan commun américano-européen de cessez-le-feu », a déclaré Emmanuel Macron vendredi lors d’une interview accordée à la chaîne polonaise Telewizja Polsk. « La balle est entièrement dans le camp de Moscou », commentait vendredi le chancelier allemand Friedrich Merz.