Par

Hugo Hancewicz

Publié le

10 mai 2025 à 11h52

C’est une tendance qui fait de plus en plus de bruit dans les rues de Paris. Les coffee shops, en pleine explosion ces dernières années dans la capitale, rivalisent d’originalité pour séduire une nouvelle clientèle, plus jeune et connectée. Leur dernière trouvaille ? Faire entrer les platines dans leur boutique en pleine journée, souvent le dimanche. Et le phénomène prend de l’ampleur. Dernière illustration marquante en date : l’apparition surprise de Bob Sinclar dans la boutique The French Bastards, rue Oberkampf (11e). Une performance qui a rapidement enflammé les réseaux sociaux, visionnée plusieurs centaines de milliers de fois. Ou encore la superstar Inna qui a débarqué pour un happening surprise dans un coffee shop à deux pas de Notre-Dame, mercredi 7 mai 2025. Pour les gérants, ces événements sont devenus un outil de communication redoutable. Recevoir dans leur coffee shop un DJ – parfois même une tête d’affiche – permet d’attirer la foule, de générer du contenu viral et de renforcer l’image « dans l’air du temps » du lieu. Arrivé des États-Unis et de Londres, cette tendance séduit donc de plus en plus les Parisiennes et les Parisiens. « Pas besoin d’aller en boîte de nuit et de rester éveillé jusqu’à 5 heures du matin », résume Char Bell, DJ originaire du Liban, qui s’est spécialisé dans ces sets diurnes en coffee shop. Un autre moyen de faire la fête, sans alcool, avec un verre de matcha à la main.

Un modèle gagnant-gagnant

Pour le DJ Char Bell, ce phénomène, encore discret il y a quelques mois, prend de plus en plus de place dans la capitale. « J’ai désormais une liste d’attente. Des coffee shops, mais aussi des boulangeries me contactent chaque semaine pour organiser des sets chez eux », sourit-il. D’autant plus qu’il adapte même ses performances à l’identité du lieu : « Il y a quelques jours, je jouais dans un coffee shop russe. J’ai proposé des remix de musiques russes : ça crée une ambiance sur mesure ».

Côté organisation, le concept repose sur une formule simple et efficace. Pour les performances du DJ Libanais, l’entrée est payante – entre 5 et 9 euros – mais le coffee shop n’a rien à débourser. « Pour eux, c’est tout bénéf’, confirme-t-il. Ils remplissent leur établissement, génèrent du trafic, et gagnent une visibilité énorme grâce aux vidéos postées ensuite ». Un modèle gagnant-gagnant, car les artistes aussi en tirent profit. « Cela permet de nous produire dans des lieux uniques, de gagner en popularité et de récupérer l’argent de la vente des billets », conclut le musicien. Toutefois, certaines enseignes préfèrent garder leur entrée gratuite et directement rémunérer un DJ.

« Les gens sont prêts à payer l’entrée dans le coffee shop, car dans ces moments, ils se sentent privilégiés et exclusifs »

Char Bell
DJ Libanais de 24 ans, spécialisé dans les DJ sets des coffee shops parisiens.

« On ne s’attendait pas à autant de monde »

Un modèle qui séduit les professionnels du secteur, à commencer par Elinardo Alves, cofondateur du Torré Coffee Shop dans le 9e arrondissement, à deux pas des Grands Boulevards. Barista depuis plus de dix ans dans la capitale, il a été l’un des premiers à se brancher sur la mode des DJ sets dans les coffee shops. « Un jour Char Bell est venu dans mon enseigne, il a adoré le lieu et m’a proposé d’organiser un set. J’ai tout de suite accepté », retrace-t-il. La configuration du café – un comptoir central entouré d’un espace ouvert – s’y prêtait parfaitement.

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Et l’événement a dépassé toutes leurs attentes. « On était plus de 200 dans la boutique… on ne s’attendait pas à autant de monde », se réjouit Elinardo Alves. Résultat : une hausse immédiate du chiffre d’affaires dès le mois suivant. Fort de ce succès, le barista prévoit déjà d’autres événements du genre. « On recommencera cet été, c’est sûr », confirme-t-il. Une initiative qui a fait des émules dans le petit milieu du coffee shop parisien. « Plusieurs amis, eux aussi gérants de coffee shops à Paris, m’ont appelé pour me dire qu’ils allaient s’y mettre », glisse-t-il.

Un moyen de faire la fête à moindre coût

Mercredi dernier, dans un coffee shop du 5e arrondissement, Char Bell faisait de nouveau chauffer les platines. actu Paris y était. Cette fois-ci, l’entrée était gratuite, mais l’accès filtré via un QR code, pour éviter la foule. Résultat : 350 personnes inscrites en quelques heures seulement. « J’ai essayé de faire venir des amis, mais 24 heures après l’annonce, il n’y avait déjà plus de billets », raconte un jeune client.

À l’intérieur, la salle est remplie. La majorité du public est composée de jeunes femmes, lunettes de soleil sur le nez, entre 25 et 35 ans, au look soigné et d’un milieu social plutôt aisé. Pendant près de deux heures, Char Bell a enchaîné les morceaux dans une ambiance électrique. Et une surprise de taille est venue ponctuer le moment. La chanteuse Inna, en concert le lendemain au Zénith (19e), est apparue pour une performance surprise.

Mais au-delà du show, c’est aussi l’accessibilité qui séduit. « On peut faire la fête sans payer l’entrée, et les boissons – sans alcool – sont largement moins chères qu’en boîte de nuit », confie une jeune femme venue avec ses amis.

Une alliance historique remise au goût du jour

Si le phénomène des DJ sets en plein jour peut sembler innovant, il s’inscrit pourtant dans une longue tradition. « L’histoire du café et de la musique est ancienne, rappelle Noa Berger, sociologue du café, auprès d’actu Paris. Dès les premières préparations de café au Moyen-Orient, on jouait de la musique dans ces lieux ». À Paris aussi, les premiers coffee shops ouvraient face aux théâtres, fréquentés par des musiciens, « qui allaient dans les cafés pour composer ». Ce qui change aujourd’hui, selon elle, c’est la manière dont cette alliance est scénarisée et partagée. « On vit à l’heure d’Instagram. L’ambiance, le son, l’image… tout est pensé pour être posté sur les réseaux sociaux. La musique devient un ingrédient essentiel de l’expérience client ».

Selon la sociologue, cette tendance n’est pas qu’un effet de mode. Elle s’inscrit dans une logique bien plus stratégique. « Proposer des DJ sets permet aux coffee shops de casser l’image parfois trop sérieuse du café de spécialité. C’est une manière d’élargir le public, d’attirer une clientèle plus jeune, plus alternative ». Derrière les platines, certains artistes sont eux-mêmes passionnés de café, ou baristas. « Des personnes entretiennent ces deux univers, et cherchent à les rapprocher », note-t-elle. Une forme d’hybridation culturelle qui, dans une ville comme Paris, « trouve naturellement sa place, et peut clairement aider un établissement à se démarquer de la concurrence », illustre Noa Berger.

@actu.paris

🪩 Depuis quelques semaines, des DJ se produisent dans des coffee shops à Paris. Cette tendance séduit un public jeune, aisé et à la recherche d’un autre moyen de faire la fête. L’entrée est souvent gratuite. 💿 Des artistes se sont spécialisés dans ces événements, à l’image du DJ Libanais, Char Bell. 🍵 Mercredi dernier, The coffee shop Notre-Dame a accueilli le DJ, et la superstar Inna a fait un happening suprise devant des centaines de personnes. #fyp#pourtoi#foryoupage#matcha#coffeeshop#coffeetiktok#coffeeaddict#dj#djs_lovers#tendance#paris#notredame#djset#mode#tiktok

♬ son original – Actu Paris

Et si, pour l’instant, le phénomène reste concentré dans les quartiers les plus branchés de la capitale, il pourrait rapidement s’étendre en banlieue. L’enseigne The French Bastards, par exemple, qui a accueilli Bob Sinclar, vient d’ouvrir une boutique à Neuilly-sur-Seine et prévoit une nouvelle ouverture à Levallois-Perret dans quelques semaines. L’occasion rêvée de tester cette formule au-delà du périphérique.

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