Pas encore signé qu’on l’appelle déjà « le traité de Nancy ». L’Histoire, avec un grand H, devrait retenir que c’est aux pieds de la statue de Stanislas Leszczynski que s’est écrite une part majeure du renforcement de l’Europe. Renforcement militaire, en particulier, alors que 2 500 km plus à l’Est s’annonce une démonstration de force de Vladimir Poutine.

Tandis que le méga-défilé militaire russe visera à célébrer la commémoration de la victoire contre le nazisme, voilà 80 ans, le président de la République Emmanuel Macron et le Premier ministre polonais Donald Tusk s’engageront ce vendredi en milieu d’après-midi autour d’un « traité d’amitié et de coopération renforcée ». Engagement précédé de l’arrivée, vers 12 h 30, du chef de l’État français, qui, quelques minutes plus tard, accueillera Donald Tusk sur la place Stanislas.

Après les traités bilatéraux signés ces dernières années avec l’Allemagne (1963 et 2019), l’Italie (2021) et l’Espagne (2023), il s’agira du premier engagement de ce type validé avec un État non frontalier de la France. Il illustre la volonté européenne, au-delà des liens unissant naturellement les membres de l’UE, à sceller des pactes entre les principales puissances, avec l’ombre menaçante du conflit en Ukraine, causé par l’agression de la Russie depuis plus de trois ans.

La plus importante armée conventionnelle d’Europe

Ce traité d’amitié vise à « élever le partenariat franco-polonais à un haut niveau d’ambition dans les domaines stratégiques », communique l’Élysée, « en particulier la défense et l’énergie ».

Conclu par une traditionnelle conférence de presse conjointe vers 16 h, ce rapprochement stratégique a été ciblé sur Nancy, en raison des liens étroits entre la ville et la Lorraine d’un côté, la Pologne de l’autre. Stanislas Leszczynski fut roi de Pologne (1704-1709) avant d’arriver à Nancy en 1737 comme Duc de Lorraine après avoir été contraint à l’exil. Il est mort à Lunéville (1766). Deux siècles plus tard, des dizaines de milliers de Polonais viendront travailler dans les mines, tissant des liens pour les générations à venir et ancrant leur présence parmi la population de Lorraine.

Le pacte entre les deux pays s’inscrit dans la volonté d’une « Europe plus forte, plus indépendante et plus souveraine », plaide l’Élysée. Thèmes fondateurs ravivés par la guerre en Ukraine et les menaces d’élargissement du conflit.

Nancy et le « bleu de travail »

Alors que le président russe s’exprimera devant une trentaine de dirigeants alliés autour de la Place rouge, l’accent sera mis à Nancy sur la nécessité de continuer à serrer les rangs en Europe pour anticiper une éventuelle dégradation de la situation militaire.

Ennemi héréditaire de la Russie, la Pologne est un pays qui a densifié son activité économique ces dernières années. L’argument s’ajoute à ce constat : il s’agit de la plus importante armée conventionnelle sur le vieux continent.

Annoncée à de nombreux égards historiques, cette journée sera aussi la première visite comme Président d’Emmanuel Macron à Nancy. Alors ministre de l’Économie, il était venu en 2016, où il avait été chahuté par un manifestant voulant lui « offrir » un bleu de travail. Incident allusif à une altercation, quelques semaines plus tôt, avec deux militants CGT. Les syndicats d’ArcelorMittal ont ces derniers jours annoncé leur désir de profiter de sa venue pour tenter de le rencontrer.