Par
Clémence Pays
Publié le
10 mai 2025 à 19h09
Son histoire est de celles qui marquent les esprits. Après 18 mois de démarches administratives et judiciaires, Souleymane Barry, boulanger de 22 ans à Rennes, a obtenu un titre de séjour lui permettant de rester en France. Nous l’avions rencontré en septembre 2023, alors qu’il venait de signer un CDI avec la boulangerie Ange, située rue de Saint-Malo. Une prise de risque pour Margaux et Olivier Cothenet, les gérants, puisque le jeune homme était alors sans-papiers.
Pour faire bouger les choses, le couple avait pris la décision de lancer une pétition pour que leur salarié obtienne un titre de séjour. Un appel entendu puisque près de 30 000 signatures ont été enregistrées. Une lueur d’espoir dans cet obscur tunnel administratif.
« L’avocate nous a conseillé de ne pas le garder »
La carrière en boulangerie de Souleymane Barry commence en France alors qu’il est mineur, un statut qui lui permet d’être protégé et accompagné par une association. C’est grâce à cela qu’il se lance dans un CAP de boulanger.
Vient la majorité et le temps d’obtenir un titre de séjour. Mais en mars 2023, la Justice déboute sa demande. « En fin d’année, j’ai reçu une OQTF [Obligation de quitter le territoire français, N.D.L.R.] », retrace Souleymane Barry. Avec son avocate, il fait appel de cette décision une première fois. Refusé.
« Avec l’OQTF, il y avait plus de pression. On lui demandait vraiment de partir. Pour nous, employeurs, c’était aussi plus risqué, avec potentiellement une amende à notre charge, complète Margaux Cothenet. Notre avocate nous a conseillé de ne pas le garder. On y croyait de moins en moins. »
Souleymane y a toujours cru.
Margaux Cothenet
Gérante des boulangeries Ange rue de Saint-Malo et rue de Châteaugiron
Pourtant, les patrons de la boulangerie Ange ne baissent pas les bras. « Ç’a demandé du temps, de l’énergie. Mais on savait pourquoi on le faisait. Et on a eu raison. »
Un soulagement et de nouveaux projets
Effectivement, la bonne nouvelle tombe. « Le 31 janvier 2025, j’ai eu mon titre de séjour », annonce Souleymane Barry. Enfin.
« J’ai fait plein de sacrifices pour arriver là », révèle pudiquement le jeune homme qui ne veut pas « [s’]étaler » sur les détails de ce qu’il a pu traverser. Pour lui, l’important, c’est l’avenir. « Depuis 2021, j’étais bloqué pour plein de choses, comme passer le permis. Et ça y est, je vais pouvoir le faire. Je suis en train de réviser le code », sourit-il.
En parallèle de son combat pour obtenir son titre de séjour, Souleymane Barry a poursuivi d’arrache-pied son travail. D’apprenti, il est passé salarié. « Talentueux et brillant », selon les mots de sa responsable, Souleymane Barry a vu ses efforts récompensés.
Fin novembre 2024, Margaux et Olivier Cothenet ont décidé d’ouvrir une nouvelle boulangerie, rue de Châteaugiron.
De vendeur de pain ambulant à responsable de production
« Pour lancer un magasin, il faut quelqu’un qui respecte les process. Quelqu’un de carré et fiable, abonde Margaux Cothenet. Souleymane s’est proposé. » Banco. Ses patrons acceptent.
Souleymane, c’est quelqu’un qui veut croquer le monde. Il se démarque par ça.
Margaux Cothenet
Gérante des boulangeries Ange rue de Saint-Malo et rue de Châteaugiron
Bien que le jeune boulanger doive « travailler son management et sa communication », depuis ces deux bonnes nouvelles, « il est plus souriant, plus à l’aise », assure la gérante.
C’est une fierté pour moi. J’ai la passion comme jamais.
Souleymane Barry
Chef boulanger chez Ange
Fier de sa réussite, Souleymane Barry garde toutefois la tête froide. « J’aime le travail manuel, me lever tôt… Mais sans mes patrons, je ne serai pas là », rapporte celui qui vendait du pain au marché ambulant en Guinée quand il était adolescent.
À présent, le Rennais poursuit son travail, dans un but : ouvrir sa propre boulangerie.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.