N’importe quel habitant de village gaulois vous le dira : le poisson, c’est mieux quand c’est frais. Oui, mais quand on habite loin de la mer ? En 1935, un aviateur de La Baule, René Marchesseau, a une idée géniale : utiliser des petits coucous de l’Aéropostale pour transporter dans n’importe quel endroit de France des sardines fraîchement pêchées. La Compagnie nantaise de navigation aérienne (CNNA) est née.

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Le 13 septembre 1935, à 16 h 30, un avion de la CNNA se pose sur le terrain de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes. C’est un beau modèle, un Latécoère, comme ceux que pilotait Antoine de Saint-Exupéry (qui préférait toutefois les moutons et les renards aux poissons). À son bord se trouvent 10 000 sardines « dans un état de fraîcheur remarquable », selon l‘ Ouest-éclair.

15 000 autres

Elles sont immédiatement prises en charge par un commerçant partenaire de la Compagnie, qui les convoie jusqu’à son magasin du 4 avenue Louis-Barthou. Il en profite pour en commander 15 000 autres, livrables le mardi suivant, tout en répétant fièrement aux journalistes qu’il est le seul revendeur de sardines volantes à Rennes. Méfiez-vous des imitations ! Les poissons « avaient été livrés au pilote par les pêcheurs eux-mêmes dès leur retour de pêche, vers 14 h 30, au port de La Turballe où la Compagnie a aménagé un terrain ». La qualité et le prix sont imbattables. Ce nouveau système de pont aérien, particulièrement rapide, concurrence le chemin de fer.

Un président nommé Poisson

La Compagnie nantaise de navigation aérienne représente une belle opportunité pour les ports de La Turballe et du Croisic, alors en difficulté. Marchesseau, auréolé de sa réputation d’aventurier des airs, n’a aucun mal à démarcher des entrepreneurs locaux pour l’assister dans son aventure. Il signe également un accord avec l‘ Aéro-club de l’Atlantique de Nantes, dont le président porte le nom prédestiné de… René Poisson.

Au début, les affaires marchent plutôt bien pour la Compagnie, qui investit dans de nouveaux appareils.

Des centaines de milliers de sardines s’envolent quasi quotidiennement vers Paris, Le Mans, Angers, Orléans ou encore Limoges. Malheureusement, l’aventure de ces drôles de poissons volants s’arrête très vite, en 1936, notamment à cause de la multiplication des camions frigorifiques et de l’augmentation du prix de la sardine.

Message codé

Huit ans plus tard, c‘ est un autre genre de livraison iodée qui causera des remous à Rennes. Dans l’édition rennaise de l’Ouest-éclair du 6 juin 1944, un entrefilet titre : « Aujourd’hui, arrivage de poisson. » Ignorant le Débarquement allié imminent en Normandie, le « comité de réception et de répartition du poisson » informait le public « qu’un gros arrivage de poisson (était) prévu aujourd’hui pour Rennes. » De quoi provoquer quelques sueurs froides du côté du bureau de la censure, qui a cru un instant avoir laissé passer un message codé…