Depuis le 2 mai dernier, 18 adolescents guinéens, ivoiriens, sénégalais, maliens, congolais, nigériens et angolais ont installé un campement devant la préfecture de la Seine-Maritime, à Rouen. Ces mineurs non accompagnés (MNA) protestent ainsi l’accueil qui leur a été réservé depuis leur arrivée en France, notamment sur leurs accès au système éducatif, et seront reçus ce lundi 12 mai à la préfecture, en présence de la rectrice.
Seize tentes et des barnums fournis par la ville de Rouen abritent dix-huit MNA dont Seydou. Âgé de 16 ans, il est arrivé à Rouen en juillet 2024, après un périple à travers le Mali, l’Algérie, la Tunisie, la Méditerranée et l’Italie : « J’ai passé dix jours en mer dans un zodiac. J’ai craint de mourir plusieurs fois. »
Test osseux et rejet administratif
À son arrivée en France, il fait une demande de minorité, se soumet aux évaluations légales : « Ils voulaient connaître mon histoire, que je parle de mes parents et pourquoi je suis venu. J’ai fourni aussi des justificatifs de mes origines et de mon âge. J’ai fait en plus un test osseux qui n’est pas fiable. Tout cela pour ne pas me croire et me retrouver dans une situation critique et subir le rejet, le racisme, la maltraitance administrative, alors que j’étais fatigué, perdu et traumatisé. »
Depuis, le jeune homme vit « sous les ponts et dans la gare. Je vis dans l’invisibilité. C’est difficile. Je n’ai pas quitté mon pays pour devenir un bandit, un voleur et bénéficier des aides sociales. Je l’ai fait comme beaucoup à cause de la misère, la guerre, le dérèglement climatique. Je cherche la sécurité en France, où je souhaite rester pour aller à l’école, apprendre un métier, travailler pour ce pays et moi-même. Ce que je demandais, c’était un accueil à l’image que nous avons de l’Europe en Afrique ».
Ce qu’il a obtenu, c’est surtout des conditions spartiates et le regard méfiant des riverains, même s’il salue la bienveillance des associations d’aide alimentaire et de collectifs locaux.
Les 18 jeunes migrants sont en effet soutenus par le Collectif des jeunes mineurs et majeurs isolés de Rouen et de nombreuses associations, partis politiques et syndicats, mais aussi le maire (PS) de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, qui considère « cette situation indigne. Leurs droits au logement, à l’éducation, à la santé ne sont pas respectés. Ils ne demandent rien d’autre que d’être considérés comme des êtres humains ».
« Nous sommes prêts à rester très longtemps »
En installant des tentes devant la préfecture, Seydou et ses camarades cherchent « des solutions pérennes, que ce soit de la préfecture, en prenant en considération nos documents, du rectorat pour avoir des formations, et du département de la Seine-Maritime afin d’annuler les tests osseux. Il faudrait aussi des hébergements ».
Alors que le groupe sera reçu à la préfecture ce lundi, le jeune homme « espère que nous serons entendus lors de l’audience, sinon nous sommes prêts à rester longtemps sur place ».
Malgré le soleil qui a dominé les dix jours d’existence du camp, l’ambiance n’est pas au beau fixe, souligne Seydou : « Même si nous sommes entre nous et avons une surveillance nuit et jour des militants, nous subissons des provocations de fachos. Ils nous font des doigts d’honneur. Ils nous interpellent et nous crient de rentrer chez nous. Un groupe à même tenté de passer à l’action, mais a été repoussé par le collectif Haro. La police nationale est arrivée rapidement. Ce n’est pas l’image que j’avais de la France. Je pensais être accueilli dignement vis-à-vis des relations qu’il y a eues et a entre ce pays et l’Afrique. »