A Toulon, il y a des choses qui ne se disent pas, même pour rigoler. Comme de prétendre que le chichi frégi viendrait de Marseille. Ou que la rade de Villefranche serait la plus belle d’Europe. Longtemps, dans le même genre, évoquer l’idée d’un déménagement du stade Mayol à l’extérieur de la ville était vu au mieux comme une folie, au pire comme une insulte « au peuple de Besagne ». La municipalité Arreckx s’y était d’ailleurs cassé les dents dans les années 1980.

La semaine dernière pourtant, le président du Rugby club toulonnais Bernard Lemaitre a remis une pièce dans la machine, qu’on croyait définitivement remisée au placard, évoquant avec le plus grand sérieux l’hypothèse d’un « nouveau stade ». Le chef d’entreprise a expliqué que « le RCT a besoin, pour son avenir et pour continuer à exister, d’une autre enceinte, capable d’accueillir les spectateurs d’une façon plus confortable, plus sécurisée et en produisant plus de revenus. »

Seuls 20% des Toulonnais veulent que rien ne change

Que pensent vraiment les supporters des Rouge et Noir de cette assertion? On leur a posé directement la question. Un millier de personnes (à l’heure où nous écrivons ces lignes) ont ainsi répondu à notre consultation sur le sujet, lui donnant de faux airs de sondage. Et le résultat – avouons-le – est assez surprenant.

Par exemple, seuls 20% des personnes interrogées estiment que stade actuel répond aux besoins du public. Pour les autres, le désamour avec les tribunes actuelles est palpable: il faut « une enceinte plus grande, plus moderne et plus confortable ». Parmi ces derniers, 36% militent carrément pour un nouveau stade, délocalisé, tandis que 44% votent pour une rénovation de Félix Mayol. Plus d’un tiers des Toulonnais qui avouent leur envie de quitter le centre-ville pour une infrastructure flambant neuve, voilà qui est inédit!

Certes, Mayol a toujours la cote chez les femmes et hommes politiques, prompts à s’emparer du sujet (lire ci-dessous). De même pour la majorité des fans des Rouge et Noir: 64% estiment que le stade doit rester dans le centre de Toulon. Mais, sans que cela soit forcément contradictoire, 52% disent aussi clairement que « le stade Mayol n’est plus au niveau », ni « adapté aux exigences d’accueil du public au XXI siècle ».

Face aux réactions des passionnées, invoquant « les traditions » (Florian), « l’amour des supporters pour Mayol » (Philippe), « l’âme du RCT » (Mathilde), « un monument de l’histoire toulonnaise » (Richard), d’autres, comme Marc, opposent « la clarté, la lucidité et le pragmatisme » de Bernard Lemaitre. « La survie du club au haut niveau passe par [un nouveau stade] », croit savoir Francis. « Il y en a marre d’aller à Marseille jouer de grandes affiches », abonde Cricou. Tandis que Bertrand déplore les nuisances générées par l’actuel écrin en centre-ville: « les embouteillages, la pollution, les voitures garées n’importe comment, détritus par terre, mauvaise image pour les visiteurs. »

A l’inverse, un certain Pilou se montre plus que sceptique face aux propos du patron du club né en 1908. « Cela me fait penser à nos élus qui ont décidé un jour qu’il ne fallait plus de tramway en ville et qui ont supprimé les rails. Ceux qui veulent délocaliser le stade ne veulent pas voir la vie que ça amène en centre-ville de Toulon. Ils feraient mieux de se battre pour que les matchs de Top 14 aient lieu à nouveau le dimanche à 15h. »

Patrick, lui, se gausse. Quitter Besagne? « Et pourquoi ne pas déménager la rade à Sanary, pendant qu’on y est? »


Le déplacement à Mayol, connu pour son ambiance parfois volcanique, est toujours craint par les autres équipes du Top 14.
Photo florian Escoffier

Pour les politiques, c’est non

Josée Massi, maire de Toulon

« Je souhaite être claire : le projet d’un nouveau stade n’est pas à l’ordre du jour. Le RCT, c’est Mayol. Et Mayol, c’est Toulon. Ce stade en cœur de ville, unique en son genre, fait partie de l’âme toulonnaise. (…) Sa capacité, plus de 17.000 places, correspond parfaitement à la fréquentation observée, avec moins d’une poignée de rencontres à guichets fermés chaque saison. Depuis 2001, la Ville de Toulon a massivement investi pour moderniser ce stade mythique. Les supporters découvriront un nouvel éclairage LED et une nouvelle sonorisation, dès le coup d’envoi de la prochaine saison. »

Hubert Falco, ancien maire

«Je ne m’imagine pas le Rugby Club Toulonnais jouer ailleurs qu’au Stade Mayol ! Mayol rassemble, Mayol a une âme, Mayol a une histoire, Mayol a une ferveur incommensurable, Mayol est mythique ! Et Mayol a su s’adapter. La Ville de Toulon a déjà massivement investi pour le rénover, le moderniser et l’agrandir (…)Les plus grands y ont joué. Les plus jeunes rêvent d’y jouer ! Dans le monde de l’ovalie, le Stade Mayol est tout simplement unique.»

Laurent Bonnet, adjoint aux sports

« Mayol aura probablement encore vocation à évoluer pour s’adapter aux nouvelles exigences du sport moderne, qu’il s’agisse de confort des spectateurs, de performance environnementale ou d’innovation technologique. (…) »

Laure Lavalette, députée du Var (RN)

« Ce week-end, les Rouge et Noir ont joué au Vélodrome, à Marseille. Mais alors que des bruits courent, soyons très clairs : le RCT, c’est à Mayol. Point. »

Michel Bonnus, sénateur du Var (LR)

« Si la compétition se joue sur le terrain, elle se joue aussi en dehors, sur le plan économique. Le modèle de chaque club repose en grande partie sur l’exploitation de son stade, aussi bien les jours de match qu’en dehors. C’est une réalité. (…) La vraie question est donc : comment accompagner Bernard Lemaitre, afin de préparer le futur avec lui, en réfléchissant collectivement à l’avenir du stade Mayol ? Cette réflexion mérite d’être nourrie par l’analyse des modèles économiques de nos principaux concurrents : Toulouse, l’UBB, Clermont, La Rochelle, Lyon… Il est temps d’ouvrir une réflexion de fond pour que notre stade reste à la hauteur de l’ambition du RCT et de l’attachement que nous lui portons. »