REPORTAGE – En attendant une possible généralisation du dispositif par le gouvernement, le collège Marcel Pagnol d’Oullins tire un bilan positif de sa première année d’expérimentation.
Le rêve de nombreux parents est devenu réalité depuis plusieurs mois au collège Marcel Pagnol d’Oullins. Planté au milieu des pavillons de cette banlieue sud lyonnaise, l’établissement classé REP+ accueille un peu plus de 300 élèves, dans une ambiance familiale et une cour arborée. Derrière le portail ouvert et les trottinettes posées à la va-vite devant la façade vitrée, une petite table a fait son apparition dans le hall d’entrée, à côté de la porte dévolue aux élèves de 6e. Ces derniers sont priés d’y déposer la petite pochette à leur nom contenant leur téléphone portable en arrivant. Le surveillant qui fait l’accueil met à leur disposition des bacs en plastique (un par classe), ensuite rangés sous clé dans un local sécurisé. Pas de fouille ni de vérification mais au vu du remplissage, le pli semble pris.
«C’est entré dans les mœurs, il n’y a jamais eu de problème particulier et peu d’oublis, assure Yann Durozad, le principal. On a eu trois cas de téléphones restés en classe depuis le début de l’année». Si la loi oblige les élèves, depuis 2018, à laisser leur portable éteint au fond du sac, la réalité est bien différente dans de nombreux collèges et lycées français. Entre les oublis, les notifications intempestives, les coups d’œil à l’heure ou aux SMS des parents, il est fréquent que le téléphone s’invite en cours, et les difficultés avec pour les professeurs. «Ce dispositif de “pause numérique” permet de faire appliquer plus fermement la loi de 2018, reprend Yann Durozad. Cela permet aussi de couper l’addiction, le geste un peu maladif que nous avons tous de consulter l’écran même quand le téléphone n’a pas sonné».
«Couper l’addiction à l’écran»
À ce propos, le rapport de la commission sur l’exposition des enfants aux écrans coprésidé par la neurologue lyonnaise Servane Mouton, avait montré la nécessité de lutter contre la dépendance aux écrans pour les adolescents, en matière de cyberharcèlement mais pas seulement. «Ici nous avons justement une professeur qui a fait son mémoire de master sur le sujet et a observé par des questionnaires et des entretiens les bienfaits de la limitation des écrans sur le comportement, la sociabilisation ou l’intérêt porté aux autres», explique Yann Durozad. Avec son équipe pédagogique le principal avait déjà décidé de bannir les portables du Bal des 3es l’an dernier, il le refera cette année. «On a retrouvé des adolescents en toute liberté, sans crainte de la photo qui serait prise, raconte-t-il. Physiquement cala se voyait dans leur comportement».
Le rapport Mouton avait lancé des pistes, ensuite reprises par l’Éducation nationale et proposées aux établissements. Volontaire comme 80 établissements français, le collège Marcel Pagnol a institué cette pause numérique à la rentrée de septembre 2024, sur le temps scolaire, pour les élèves de 6e seulement. «C’est plus simple d’intégrer une nouvelle règle pour les entrants, ils n’ont jamais connu le téléphone dans la poche», plaide Yann Durozad. Des téléphones qui leur sont rendus à la sortie du collège. Les parents sont satisfaits dans l’ensemble. Le principal aussi. Il se félicite de l’expérimentation et souhaite la poursuivre l’an prochain en y intégrant les nouveaux 6es. «L’idée est de la généraliser à tous les niveaux au bout de quatre ans», prévoit-il.
Une généralisation qui pourrait être plus rapide si la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, confirmait son intention d’étendre la pause numérique à tous les collèges dès septembre prochain. Reste à voir comment dupliquer l’expérimentation dans des établissements plus grands. Car, outre la bonne volonté des élèves et du personnel, le principal avantage de Marcel Pagnol est sa jauge, reconnaît Yann Durozad. «Ici, nous avons 80 élèves de 6e, qui viennent tous à pied, donc les arrivées sont échelonnées», raconte-t-il. Pas vraiment de charge de travail supplémentaire donc, ni d’embouteillage. Cette généralisation pourrait en tout cas être l’occasion pour les élèves de Marcel Pagnol d’obtenir de nouvelles pochettes, celles utilisées cette année étant un brin cornées. «Pour un coût de 110 euros TTC (pochettes et boîtes, NDLR)», sourit le principal. L’investissement paraît rentable.