Le 25 avril dernier, la LFP officialisait la nomination de Nicolas de Tavernost à la tête de sa filiale LFP Médias, un changement d’interlocuteur faisant apparaître de possibles solutions pour les diffuseurs comme pour les clubs.
Parce que les droits médias sont devenus une source de revenus centrale (plus d’un tiers du chiffre d’affaires des principales ligues), parce que le piratage audiovisuel représente un enjeu majeur pour l’industrie du football professionnel (risque évalué aux deux tiers de ses revenus pour le Directeur Général de LaLiga), affectant directement les revenus des ligues et les finances publiques à travers le monde, parce qu’après une période de croissance soutenue, la situation s’est nettement dégradée en France, il était nécessaire de chercher à analyser et identifier les causes et les solutions envisageables pour l’économie du football professionnel hexagonal. Pour cela, observer l’évolution et la gestion des droits médias par les grandes ligues européennes (Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie) et quelques challengers (Autriche, Belgique, États-Unis, Norvège, Pologne) est de nature à expliquer la décroissance des droits lors des derniers appels d’offres.
Point positif, le comparatif international fait apparaître un réel potentiel du marché français (22 millions d’abonnés à la TV payante) bien que sous ou mal exploité, que ce soit pour les droits domestiques ou internationaux. L’attribution des droits à MEDIAPRO en 2018 est le point de bascule pour un championnat dont les indicateurs le plaçaient naturellement dans le fameux « Big 5 » (avec 1,15 Md€) et qui se trouve désormais dans le groupe des challengers (500 M€). Au-delà du crash Mediapro et obnubilée par sa « quête du milliard », la LFP a multiplié les paris qui se sont avérés perdants : tourner le dos à C+ (acteur majeur de la TV payante française), miser sur de nouveaux entrants (sans ou avec peu d’abonnés). En confiant 80% de ses matches à Amazon Prime Video pour 250 M€ contre 320 M€ pour les 2 derniers diffusés sur C+, la Ligue de Football Professionnel (LFP) semble durablement conflictualisée la relation avec la chaîne cryptée, principal diffuseur ET distributeur. Le conflit entre la LFP et Canal+ fait d’ailleurs toujours l’objet d’une procédure judiciaire.
Tableau des droits TV
IN&Sport
Que ce soit pour MEDIAPRO hier ou DAZN aujourd’hui, la gestion contractuelle des droits médias de la LFP peut être considérée comme « approximative » : garantie financière, protection des droits, lutte contre le piratage … Car au-delà de problèmes bien réels que sont l’insuffisance dans l’innovation technologique, l’absence totale d’amélioration du produit (accès restreint notamment aux coulisses, des collaborations trop insuffisantes dans la coconstruction du produit, des communications pour le moins défaillantes de l’ensemble de la famille du football professionnel …), l’instabilité et la fragmentation de l’offre a eu pour conséquence l’explosion du piratage des contenus sportifs. La comparaison avec l’évolution d’autres sports (Rugby, Formule 1, Moto GP, Biathlon, …) en est déconcertante.
Le piratage audiovisuel est constamment cité par les ligues et championnats professionnels de football comme un défi majeur et une source de pertes de revenus (via des revenus non réalisés et la réduction des montants perçus ou des contrats futurs). Cependant, la réponse des organisations de ligues semble être de nature très individuelle, comme en témoigne l’absence d’un ensemble commun de données de référence,
Bien qu’il s’agisse d’un problème partagé à tous les niveaux du football professionnel, il est plus aigu pour les grandes ligues. En revanche, dans les pays de taille moyenne ou plus petite, le piratage audiovisuel de contenu est toujours présent, mais l’activité des ligues est limitée, probablement en raison d’un manque relatif de ressources ou d’un sentiment selon lequel les coûts liés à la lutte contre la piraterie ne généreraient pas suffisamment de retours sur investissement pour être justifiés. Si avant Covid, la gestion de la LFP était plus proche des grandes ligues, aujourd’hui ses agissements sont similaires aux challengers. Et pourtant, la perte 2024/25 envisageable étant d’au moins 200 M€ pour 350 M€ contractualisés en saison 1, c’est tout l’écosystème de notre football qui se trouve structurellement fragilisé.
Si la nomination récente de Nicolas de Tavernost, l’historique dirigeant qui a su faire «monter» l’ex-petite chaîne M6, permet d’imaginer une prochaine sortie de crise dans le dossier des droits TV, il est désormais acquis que cette séquence a coûté et va continuer à coûter très cher à notre championnat. Quelles que soit la solution retenue et les modalités de mise en œuvre d’une future chaîne 100% Ligue 1, faire du lobbying auprès du législateur pour renforcer le cadre juridique de la lutte contre le piratage, embarquer les clubs dans ce combat vital pour l’économie de tout le secteur, mettre en place une collaboration exigeante avec l’ARCOM (qui ne travaille pas les week-ends et qui fait en 1 an ce que l’Italie fait en un week-end en termes de blocage), favoriser l’amélioration des contenus hors match, inciter l’ensemble des acteurs du football professionnel à communiquer positivement autour du championnat … autant de principes mis en œuvre par les grandes ligues qui ont compris que leur avenir est interdépendant avec leurs diffuseurs. Le diffuseur doit être considéré dans un dispositif global 360, étant lui-même une caisse de résonance du championnat.
Finalement, la «quête du milliard» de la Ligue de Football Professionnel (LFP) ou son « quoi qu’il en coûte » aura eu des conséquences néfastes pour tous à commencer par les fans, donc les diffuseurs et in fine, l’économie des clubs !