Lors d’une séance du Conseil du 20e arrondissement de Paris, Lila Djellali a dénaturé une phrase du Général de Gaulle, prononcée en 1967 après la guerre des Six jours, opposant Israël à plusieurs pays arabes. Elle a présenté ses «excuses» ce mardi.

Depuis quelques heures, une séquence fait le tour des réseaux sociaux. Au cours d’un débat organisé lundi par le Conseil du 20e arrondissement autour d’un «vœu» relatif à la guerre entre Israël et le Hamas ainsi que sur la situation dans la bande de Gaza, l’élue écologiste Lila Djellali a provoqué une vive polémique. Elle est accusée d’y avoir tenu des propos jugés antisémites. Évoquant la réponse militaire de l’État hébreu aux attaques terroristes du 7 octobre 2023 sur son sol, dont les conséquences humanitaires sont unanimement condamnées par la communauté internationale, cette adjointe au maire a d’entrée de jeu dit son intention : «Mettre en lumière» ce qu’elle considère comme des «signes de génocide» visant la population gazaouie.

Si la qualification de l’action israélienne dans l’enclave palestinienne divise la classe politique française comme les spécialistes du droit international, Lila Djellali assume pleinement l’usage du terme : «Ce mot est important», a-t-elle insisté. Selon l’élue, «on ne parle pas de génocide depuis» l’attaque du Hamas mais «depuis des années et des années», bien qu’elle n’ait avancé aucun élément historique pour appuyer son affirmation. C’est alors qu’elle choisit de se référer au général de Gaulle à qui elle attribue la phrase suivante : «Le jour où on rassemblera au même endroit les juifs, nous avons peur aujourd’hui qu’ils puissent devenir des dominateurs, qu’ils fassent l’impensable», dit-elle, avec certitude. Or, cette citation est non seulement déformée, mais elle est surtout sortie de son contexte historique.

Certes, l’homme du 18-Juin a parlé des «Juifs» comme d’un «peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur» dans une célèbre conférence de presse en 1967, dans le sillage de la guerre des Six jours, opposant Israël à plusieurs pays arabes. Mais ses propos sont ici manifestement dénaturés. Lila Djellali va même plus loin, prétendant lire dans les intentions de de Gaulle – en poste quelques années après la création de l’État hébreu en 1948 : «Il a pris la parole pour dire qu’on est en train de faire une bêtise de réunir tout le monde dans un même État et qu’il serait peut-être possible de créer deux États», a-t-elle assuré. Une interprétation discutable puisqu’elle n’est étayée par aucune déclaration connue de l’ancien président sur la fondation d’un État palestinien.

Un «dégoût»

La phrase choc passe d’abord inaperçue au sein de l’assemblée municipale. Mais en fin de séance, le maire du 20e arrondissement, Éric Pliez (divers gauche) choisit de revenir sur les propos de Lila Djellali, espérant qu’ils ont «dépassé (sa) pensée». «Tels qu’ils ont été tenus ici, ils ne sont pas acceptables dans cette enceinte (…) Ce n’est pas possible de dire ça, c’est puni par la loi», a grincé l’édile divers gauche, exhortant l’écologiste à «retirer» ses paroles controversées. La socialiste Lamia El Aaraje lui emboîte le pas et exprime son profond «dégoût».

«Ces propos peuvent faire l’objet d’une qualification pénale, parce que vous mettez dans la bouche d’un ancien président de la République des propos qui datent de 1967 pour en faire l’exégèse aujourd’hui. Ce n’est ni républicain, ni respectueux, je les trouve teintés d’une forme d’antisémitisme», a lancé l’élue PS en direction de sa collègue écologiste. Piquée au vif, l’intéressée a réagi avec véhémence avant de quitter la salle, parlant d’elle à la troisième personne : «Mettre dans la même phrase Lila Djellali et antisémite, je vous l’interdis, c’est du pénal aussi. Que ce soit du conditionnel ou pas !».

Une «formation dans la lutte contre l’antisémitisme»

Face à la vague d’indignation provoquée par ses propos, Lila Djellali a fini par présenter ses «excuses» ce mardi. Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, elle reconnaît que «la citation de de Gaulle était blessante et inappropriée», tout en évitant d’admettre explicitement que ladite phrase était erronée. Elle ajoute qu’elle «n’aurait pas dû reprendre cette citation qui revêt tous les poncifs de l’antisémitisme essentialisant les juifs», avant de «s’engager à se former pour ne plus commettre cette erreur».

Le chef de file des écologistes à Paris, David Belliard, a confirmé de son côté que Lila Djellali «suivra une formation spécialisée dans la lutte contre l’antisémitisme», après des propos «inadmissibles» et qui utilisent selon lui «une citation relayant des préjugés antisémites.» La secrétaire nationale du parti Les Écologistes, Marine Tondelier, elle, n’a pas réagi.