Les troupes de Gabriel Attal n’ont pas toutes suivi la consigne de l’ancien premier ministre, qui avait appelé son groupe à voter massivement contre le texte.

Une loi dite de «simplification» au parcours étonnamment complexe. Et aux rebondissements en série. Ce mardi après-midi, le texte du gouvernement visant à faciliter la vie des entreprises, notamment des PME, et à «déverrouiller l’économie», a été adopté à l’Assemblée nationale, par 275 voix contre 252. Débattue depuis plusieurs semaines déjà au Palais Bourbon, cette réforme, initialement portée par l’ex-ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, avant la dissolution, a fracturé les bancs de l’Hémicycle lors de son examen, alors qu’elle avait été votée sans encombre au Sénat il y a quelques mois.

Jugées pénalisantes pour les détenteurs de voitures thermiques, les «zones à faibles émissions» (ZFE), mises en place en 2019 pour lutter contre la pollution et limiter les émissions de particules fines dans les grandes agglomérations, y ont notamment été supprimées, à l’initiative des Républicains et du Rassemblement national, avec le soutien des Insoumis. Quant au «zéro artificialisation nette» (ZAN), voté en 2021 pour lutter contre la bétonisation des espaces naturels et agricoles, il y a quant à lui été complètement vidé de sa substance. De quoi convaincre le groupe Ensemble pour la République, présidé par Gabriel Attal, d’annoncer son intention de s’opposer à la version actualisée de cette loi, afin de tenter – en vain – de la repousser provisoirement. Consigne qui n’a pas été suivie d’effets, puisque les troupes EPR ont adopté une attitude en ordre dispersé : si 64 ont voté «contre», ils sont 14 à s’être abstenus et 8 à avoir voté «pour». Suffisamment pour faire échouer «l’opération-opposition» de leur patron.

«Une totale déculottée pour Gabriel Attal»

«Le texte dont nous discutons est un fourre-tout, un projet vidé de sa cohérence par des alliances contraires. C’est un texte qui fragilise ce que nous avons construit depuis huit ans», avait pourtant martelé à la tribune la députée Marie Lebec (Renaissance), avant de vanter la version sénatoriale du texte «plus cohérente à servir de base à un compromis». Un argumentaire préparé dimanche soir, lors d’une réunion interne des macronistes, où certains ont tout de même souligné la difficulté de voter «contre» un projet de loi de «simplification» de la vie économique défendu de longue date par leur mouvement.

«Dans cette loi, il y a des avancées et des mesures vraiment utiles… Malheureusement, beaucoup de bêtises ont été ajoutées, si bien que certains secteurs économiques nous enjoignent à rejeter la copie finale. Ce projet de loi est parti dans le décor et n’est plus parfaitement satisfaisant», regrettait par exemple l’ancien ministre Guillaume Kasbarian, l’un de ses plus fervents défenseurs, qui a finalement fait le choix de s’abstenir. «Ce texte n’est pas parfait mais il y a plus de mesures intéressantes que rédhibitoires. Il aurait été contre-intuitif pour moi de voter contre une loi portée par tous les gouvernements que j’ai soutenus et notamment celui de Gabriel Attal», souligne de son côté la députée Renaissance Constance Le Grip, qui fait partie des huit députés du groupe EPR à avoir voté la réforme. Un macroniste analyse : «Ce vote, c’est une totale déculottée pour Gabriel Attal. C’est bien la preuve qu’il ne tient pas le groupe. Quand vous tentez un coup comme ça, vous vous assurez au moins d’être suivi…»

La droite et le RN s’en prennent aux macronistes

La gauche a également essayé de faire échouer ce projet de loi en se mobilisant contre. La députée LFI Anne Stambach-Terrenoir a dénoncé un «texte honteux» qui «fait sauter toutes les digues et toutes les protections de la nature et du vivant». «Vous êtes devenus des passagers du simplisme du RN», a également déploré le socialiste Gérard Leseul. À l’inverse, le Rassemblement national, la droite LR, les philippistes de Horizons et les centristes MoDem ont quant à eux défendu le texte, au point de déjouer tous les pronostics en arrachant son adoption à la surprise générale ce mardi. «Nous avons eu des victoires et des résultats», s’est félicité le lepéniste Matthias Renault. «Les Français sont derrière nous, vous savez, “les gueux”, qui nous disent qu’il faut arrêter cette machine infernale», a ajouté la députée LR Anne-Laure Blin.

Après cette adoption à l’Assemblée, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a regretté son «dévoiement», déplorant que «la lutte contre le dérèglement climatique et les pollutions» devienne «la variable d’ajustement de calculs politiques à la petite semaine». Mais l’avenir du texte reste toutefois écrit en pointillé. Car les versions votées dans les deux Chambres étant différentes, une commission mixte paritaire (CMP) devra être convoquée, et pourrait se dérouler en septembre prochain. Or, les divergences sont telles que rien ne dit qu’une unanimité pourra se dégager, notamment sur la très sensible suppression des ZFE. À la rentrée, avant un automne budgétaire qui s’annonce explosif, sept sénateurs et sept députés se réuniront donc à huis clos pour tenter de trouver un accord définitif, en vue d’un éventuel nouveau vote à l’Assemblée et au Sénat. «Vous verrez, la CMP ne sera pas conclusive et ce texte n’aboutira jamais», anticipe un ministre de premier plan, qui imagine de très forts désaccords, notamment au sein du socle commun. Avant de conclure : «Tout ce qui se passe ajoute à la confusion ambiante. On dépose des motions de rejet contre nos propres textes, on vote contre un projet de loi du gouvernement dans une alliance avec LFI… Personne ne comprend plus rien à ce que l’on fait!»