[Article publié le 3 juillet 2025 à 18h11, mis à jour à 22 h 01]

C’est une victoire au forceps pour Donald Trump et le leadership républicain à la Chambre des représentants. Tôt ce jeudi matin, après des heures de négociations en coulisses menées par le speaker Mike Johnson, avec l’intervention directe du président, les dernières résistances au sein du camp conservateur ont été levées. « Quelle nuit magnifique », s’est réjoui Donald Trump sur son réseau Truth Social, qualifiant son projet d’ « un des plus importants de tous les temps ».

Après le Sénat, qui l’avait approuvé mardi de justesse, la Chambre des représentants a adopté définitivement ce texte de 869 pages,  lors d’un vote très serré jeudi, précédé de multiples pressions et tractations. « VICTOIRE », a immédiatement réagi la Maison-Blanche dans un message sur X. Donald Trump promulguera ce texte, clé de voûte de son programme économique, vendredi, jour de la fête nationale américaine.

Le principal obstacle provenait d’une poignée d’élus républicains, dits « faucons budgétaires », profondément préoccupés par le creusement de la dette publique qu’implique cette législation. Avec une majorité fragile de seulement huit sièges, le parti présidentiel ne pouvait se permettre que quelques défections. Selon le quotidien politique The Hill, Donald Trump a personnellement passé des appels tard dans la nuit pour convaincre les dissidents de changer leur vote, martelant l’urgence d’adopter le texte avant la fête nationale du 4 juillet, une échéance qu’il a lui-même fixée comme symbolique.

Baisse d’impôts et dépenses ciblées, les piliers du projet Trump

Véritable clé de voûte du programme économique du second mandat de Donald Trump, le projet de loi, baptisé « One Big Beautiful Bill » par son initiateur, est centré sur la prolongation des colossaux crédits d’impôt mis en place lors de son premier passage à la Maison-Blanche. Ces mesures, qui selon plusieurs analyses indépendantes profitent majoritairement aux ménages les plus aisés et aux entreprises, sont complétées par des dispositions plus ciblées mais à forte portée politique.

Le texte grave ainsi dans le marbre l’une des promesses phares de sa campagne : l’exonération fiscale totale des pourboires pour les salariés, une mesure populaire auprès des travailleurs du secteur de la restauration. Parallèlement, le projet de loi alloue des milliards de dollars supplémentaires aux budgets de la défense et de la lutte contre l’immigration, deux autres priorités affichées par l’administration républicaine.

Une facture de 3 400 milliards de dollars pour les finances publiques

Le coût de ces mesures est au cœur des critiques, y compris au sein du Parti républicain. Le Bureau budgétaire du Congrès (CBO), organisme non partisan chargé d’évaluer l’impact financier des lois, a publié une note alarmante mardi. Selon ses projections, le texte alourdirait la dette publique américaine de plus de 3 400 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Un chiffre qui a fait bondir les orthodoxes du parti.

« Je suis venu à Washington pour aider à freiner notre dette nationale », avait ainsi déclaré Keith Self, élu républicain du Texas, pour justifier son premier vote négatif lors d’une étape de procédure. Dénonçant les modifications apportées par le Sénat qui ont, selon lui, aggravé le déficit, il avait qualifié son opposition de « question de morale ». Quelques heures et un appel présidentiel plus tard, M. Self et trois de ses collègues frondeurs changeaient leur vote, ouvrant la voie à l’adoption.

Pour tenter de compenser, même partiellement, ce dérapage budgétaire, le projet de loi prévoit des coupes drastiques dans les filets de sécurité sociale. Le programme Medicaid, l’assurance santé publique destinée aux Américains à faibles revenus, est particulièrement visé, menaçant la couverture de millions de personnes. Le programme d’aide alimentaire SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program) subirait également des réductions sévères. En outre, le texte prévoit le démantèlement de nombreuses incitations fiscales en faveur des énergies renouvelables, héritées de l’administration Biden.

L’obstruction démocrate face au rouleau compresseur républicain

Face à ce qu’il qualifie de « monstruosité répugnante », le camp démocrate fait bloc. Le chef de la minorité à la Chambre, Hakeem Jeffries, s’est lancé dans un discours-fleuve depuis 5 heures du matin, heure locale, pour retarder au maximum le vote final. Prenant la parole sans interruption pendant des heures, il martèle que ce projet de loi « fera souffrir les Américains ordinaires » pour le seul bénéfice des plus fortunés et des grandes entreprises.

Cette manœuvre d’obstruction, bien que symbolique face à la détermination républicaine, vise à marquer l’opposition totale des démocrates à une vision économique qu’ils jugent socialement injuste et financièrement irresponsable. La journée de jeudi s’annonce donc comme un long bras de fer politique dans l’hémicycle, illustrant la fracture béante qui divise Washington sur l’avenir économique et social des États-Unis.