À l’approche de la date fatidique du 1er août, Bruxelles négocie fébrilement avec Washington pour éviter les droits de douane à 30 %, tout en s’activant en parallèle pour sceller des accords commerciaux avec de nouveaux alliés. « L’Europe poursuit la diversification de ses partenariats commerciaux », déclarait ainsi la présidente de la Commission le 10 avril, en appelant à s’unir ceux qui continuent de croire aux vertus de « liberté et d’ouverture des marchés ».

Longtemps arc-boutée sur la coopération et le multilatéralisme, l’UE se retrouve aujourd’hui violemment percutée par le retour en force du protectionnisme trumpien. Alors qu’hier encore les États-Unis vantaient les bienfaits du libre-échange, Donald Trump instaure aujourd’hui un ordre commercial dominé par le rapport de force et un protectionnisme décomplexé. Depuis le 2 avril 2025, Washington a lancé une véritable offensive commerciale, menaçant d’imposer des droits de douane à l’ensemble de ses partenaires économiques, y compris à son allié historique, l’Union européenne.

Face à ce revirement brutal, l’Europe s’efforce de garder la face. Pas question, officiellement, de rompre avec son principal partenaire économique, avec qui elle échange chaque année près de 1 700 milliards d’euros de biens et services. Mais confrontée à un allié américain devenu imprévisible, l’UE n’a désormais guère d’autre choix que de conclure des accords commerciaux avec d’autres puissances – Inde, Amérique latine, et même Chine -, dans l’espoir de sécuriser de nouveaux débouchés pour ses filières exportatrices.

L’Inde, « une priorité stratégique »

Alors que le Royaume-Uni prend une longueur d’avance avec la signature, jeudi 24 juillet, d’un accord historique de 7 milliards d’euros, l’UE sait qu’un rapprochement avec l’Inde est désormais stratégique. En février, la Commission déclarait sans détour qu’elle considérait les relations avec l’Inde comme une « priorité stratégique ».

Les négociations d’un accord de libre-échange entre Bruxelles et New Delhi, gelées entre 2013 et 2021, avaient été relancées en 2022, mais c’est véritablement à partir du printemps 2025 que les négociations ont officiellement repris. L’UE et l’Inde cherchent à resserrer leur coopération en matière de sécurité et de défense, tout en évaluant les avantages d’un rapprochement économique, notamment dans les chaînes d’approvisionnement et les investissements directs étrangers.

L’objectif affiché par Bruxelles est de finaliser un accord d’ici à la fin 2026, pour une entrée en vigueur courant 2027. Cet accord, s’il est signé, constituerait l’un des plus importants accords jamais conclus par l’UE, avec un partenaire représentant près de 10 % du PIB mondial et une population de 1,4 milliard d’habitants.

La tentation chinoise

L’UE a aussi reçu des mains tendues, notamment celles du principal rival des Américains, la Chine. Le président chinois, Xi Jinping, a ainsi affirmé, jeudi 24 juillet, lors de sa rencontre avec la présidente de la Commission européenne à Pékin que « plus la situation internationale est grave et complexe, plus la Chine et l’UE doivent intensifier la communication, renforcer la confiance mutuelle et approfondir la coopération ».

Lors de ce sommet, un léger progrès dans les relations Chine-UE a été accompli avec la mise en place d’un mécanisme visant à faciliter l’accès des entreprises européennes aux terres rares chinoises, ces minerais stratégiques presque entièrement contrôlés par la Chine.

Mais l’Europe redoute que la Chine, exclue du marché américain, tente de déverser ses produits à bas prix sur le sol européen. Bruxelles fait preuve de prudence et attend de voir si Pékin peut réellement devenir un partenaire fiable, notamment en relançant sa consommation intérieure, clé pour réduire sa dépendance aux exportations. « Le leadership chinois a fait part de sa volonté de soutenir davantage la consommation, mais nous attendons des progrès sur ce sujet », a déclaré la présidente de la Commission européenne jeudi.

Mercosur : l’UE joue la montre pour conclure enfin l’accord

L’UE mise sur l’offensive douanière de Trump pour pousser les États membres à ratifier l’accord avec le Mercosur, un dossier que Bruxelles espère boucler d’ici à la fin de l’année. Signé le 6 décembre 2024, après vingt-cinq ans de négociations, cet accord vise à faciliter les échanges avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, en abaissant les barrières tarifaires et réglementaires, mais il est encore en suspens.

Pour entrer en vigueur, il doit obtenir l’aval du Parlement européen ainsi que celui d’au moins 15 des 27 États membres, représentant au minimum 65 % de la population – un passage loin d’être assuré. La France, en particulier, rejette vigoureusement le traité, craignant pour sa filière bovine et la survie de ses petites exploitations, face à la concurrence des exploitations géantes sud-américaines. L’Allemagne, dont l’agriculture repose sur de grandes exploitations, soutient l’accord. Berlin veut solidifier ses liens économiques avec les pays du Mercosur, notamment avec le Brésil, où plus de 1 800 entreprises allemandes, surtout dans la chimie (Bayer, BASF) et l’automobile, sont implantées.

La Commission européenne, qui assure le dialogue avec les États membres européens, espère que la pression accrue des tensions commerciales avec les États-Unis fera enfin bouger les lignes des récalcitrants.