Et si la meilleure prévention tenait dans une routine intime
dont personne ne parle vraiment ? Depuis des décennies, des
cohortes massives suivent les habitudes des hommes et dégagent un
même signal, discret mais persistant, qui bouscule les idées reçues
sans rien imposer.
Le cancer de la prostate fait partie des
cancers les plus diagnostiqués en France. Pour comprendre ce qui
pèse vraiment sur le risque, des équipes se sont penchées sur une
pratique très courante : l’éjaculation régulière.
Plusieurs grandes études américaines l’associent à moins de cas,
tandis que des travaux plus récents invitent à la prudence. Un
chiffre clé intrigue.
Éjaculation régulière et cancer de la prostate : ce que dit
l’étude Harvard
Harvard a popularisé l’idée avec une large étude prospective
menée entre 1992 et 2010. Plus de 31 900 professionnels de santé,
âgés de 20 à 49 ans, ont déclaré leur fréquence moyenne
d’éjaculation, et 3 839 cas de cancer de la
prostate ont été recensés. Les analyses ont tenu compte de
l’âge, du dépistage PSA et du mode de vie. Verdict chiffré : pour
des hommes éjaculant au moins 21 fois par mois, le
risque de développer un cancer de la prostate a diminué de
22 % par rapport à ceux déclarant une fréquence
comprise entre 4 et 7 fois.
Le signal est ressorti surtout pour les tumeurs de bas grade,
c’est à dire aux premiers stades. Côté biologie, plusieurs pistes
ont été avancées sans preuve formelle de causalité : une moindre
activité de l’enzyme 5 alpha réductase impliquée
dans la transformation de la testostérone en dihydrotestostérone,
une meilleure oxygénation des tissus pelviens, et la libération
d’endorphines et d’ocytocine, hormones connues pour leurs effets
bénéfiques sur l’immunité. En clair, une vie sexuelle masculine
plutôt active irait de pair avec un risque plus faible, surtout
pour les formes moins agressives.
Méta analyse et autres données : un effet surtout pour 2 à 4
fois par semaine
La littérature ne parle pas d’une seule voix. Une méta analyse
chinoise réunissant 22 études et plus de
55 000 participants conclut qu’une fréquence
allant jusqu’à quatre éjaculations par semaine,
soit environ 16 par mois, offrirait un léger effet protecteur. Au
delà, le risque aurait tendance à remonter, possiblement en raison
d’infections sexuellement transmissibles, d’un excès d’hormones
androgènes, ou de biais comportementaux liés aux méthodes
utilisées.
Ces divergences rappellent la difficulté d’étudier les
comportements sur le long terme. Les données sont souvent auto
déclarées, donc imparfaites ; certaines variables comme les
infections ou l’alimentation ne sont pas toujours prises en compte
; et le cancer de la prostate évolue lentement,
sur des décennies, ce qui complique la mesure d’un effet durable.
Surtout, ce sont des associations statistiques, pas des preuves de
causalité. Aucune organisation médicale n’intègre d’ailleurs la
fréquence d’éjaculation dans ses recommandations officielles.
Que recommandent les autorités de santé
aujourdhui ?
L’Association européenne d’urologie rappelle que les facteurs
protecteurs les plus solides restent des piliers de mode de vie.
Concrètement, l’éjaculation peut s’inscrire dans un ensemble
d’habitudes favorables, mais elle ne remplace pas les leviers
validés pour réduire le risque :
- Bouger régulièrement : l’activité physique est
associée à un risque plus faible. - Atteindre ou maintenir un poids santé : la
perte de poids chez les personnes en surpoids va dans le bon
sens. - Réduire les graisses saturées : privilégier
une alimentation équilibrée reste un repère simple et utile.
En pratique, retenir un repère chiffré unique serait tentant
mais réducteur. Les grandes cohortes américaines pointent un
avantage à 21 fois par mois, quand la méta analyse
évoque plutôt un bénéfice modéré jusqu’à quatre fois par
semaine. Reste cette idée centrale, raisonnable et sans
injonction : entretenir une sexualité confortable et régulière peut
s’ajouter aux autres habitudes de santé, tout en gardant à l’esprit
que les preuves portent surtout sur des associations et surtout sur
les tumeurs de bas grade.