Comment voteront les Marseillais, les Lyonnais et les Parisiens en 2026 ? Mercredi dernier, le texte de la proposition de loi portée par les macronistes visant à réformer le mode d’élection des trois villes a été adopté par les députés en commission des lois. Dès ce lundi, il revient à l’Assemblée nationale pour être débattu et, s’il venait à être définitivement adopté, en modifierait considérablement le mode de scrutin.

Une possibilité contre laquelle le Parti socialiste, farouchement opposé à cette « loi PLM », à l’exception du maire de Marseille Benoît Payan, a décidé de lutter de toutes ses forces. Une lutte vaine à première vue au regard de l’équilibre des forces dans l’Hémicycle, mais le PS a d’autres stratégies pour y faire barrage.

Une loi inconstitutionnelle

« Pour commencer, nous voulons faire invalider cette loi en soulignant son inconstitutionnalité au titre de l’article 40 », explique Emmanuel Grégoire, porte-parole du Parti socialiste à l’Assemblée, et directement concerné par sa candidature à la mairie de Paris en 2026. L’article de la Constitution en question stipule que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

En organisant un double scrutin, comme proposé par Renaissance, celui-ci imposerait « une réorganisation complète en doublant le nombre d’assesseurs, l’ajout de bureaux de votes et des changements d’adresse, etc. », explique Emmanuel Grégoire qui estime ce surcoût à deux millions d’euros rien que pour Paris, « en plus de la complexification du processus pour les électeurs qui vont se retrouver avec des listes à 163 noms dans certains bureaux, de véritables bottins. Idem pour la propagande électorale ».

Problème de financements

Même chose également au sujet de la rémunération des élus. Aujourd’hui le Conseil de Paris est composé de conseillers d’arrondissement. En décorrélant la mairie centrale de celles d’arrondissements, un certain nombre d’élus, dédiés à la première, devront également être ajoutés, et rémunérés. Un des nombreux « impensés » de la proposition de projet de loi (PPL) selon l’ancien premier adjoint d’Anne Hidalgo.

De la même manière, la loi PLM pose la question du financement de la campagne. À Paris, par exemple, il n’existe pas de compte de campagne pour la mairie centrale. Dans les 17 arrondissements (Paris Centre regroupe les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements), les partis réservent une petite quote-part de leurs financements pour la partie « mutualisée » de la mairie centrale. « Avec la réforme, il faudrait en compter un 18e donc. Et comme la règle nationale impose un montant par électeur, cela doublerait le coût de la campagne dans la capitale pour ce dernier », calcule Emmanuel Grégoire.

« De plus, cela ouvrirait la porte à des contentieux électoraux puisqu’il y aurait de fait un lien de communication entre le candidat d’arrondissement et celui de la mairie centrale qu’il soutient, ajoute-t-il, si l’un des deux voyait ses comptes invalidés, est-ce que cela invaliderait automatiquement l’autre ? »

Changer les règles du jeu au dernier moment ?

L’autre argument que peut avancer le PS lui vient directement… de Renaissance. En 2019, alors que le parti présidentiel répondait encore au nom de LREM, il avait fait inscrire au code électoral un article stipulant qu’« il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin ».

Le premier tour des municipales étant attendu environ à la même période l’année prochaine, cet article pourrait s’appliquer ici. « C’est la raison pour laquelle Sylvain Maillard s’applique à accélérer toutes les procédures pour la faire passer, commente Emmanuel Grégoire, même s’il userait sûrement d’un amendement pour faire modifier cette règle si la proposition de loi passait. »

« Jamais dans l’histoire de la Ve République, un mode de scrutin n’avait été réformé par PPL. Au regard de la technicité et de la complexité d’une telle réforme, c’est d’une très grande légèreté, même une fantaisie », explique-t-il rappelant même que Sylvain Maillard s’est opposé à un passage préalable devant le Conseil d’Etat de sa proposition. « Cela lui a évité aussi d’avoir à produire une étude d’impact », souligne-t-il.

Pas opposer à la discussion, mais pas pour 2026

Le Conseil d’Etat, les socialistes n’y renoncent pas pour autant. Une fois le texte de loi passé à l’Assemblée nationale, il devra ensuite passer devant le Sénat. Les dates sont déjà fixées, selon le porte-parole, aux 3 et 4 juin prochains. « Il est probable que le Sénat le réécrive ou le rejette directement et qu’il revienne à une commission mixte paritaire avant de revenir à l’Assemblée nationale », estime-t-il. « Je demanderai à Gérard Larcher de saisir le Conseil d’État en tant que président du Sénat avant son inscription à l’ordre du jour au Palais du Luxembourg. »

Déterminé à faire échouer la « Loi PLM », Emmanuel Grégoire espère faire durer au maximum les débats pour repousser son adoption le plus loin possible afin qu’elle ne soit pas applicable : « Nous tenons à soulever le principe même de la sincérité du scrutin, voulu par une coalition baroque entre LFI, le RN et Renaissance qui s’allient dans des petits intérêts médiocres et contraires aux mandats confiés à ces députés alors même que les uns ont été élus pour faire barrage aux autres. Et qui n’aura pour conséquence qu’une mort clinique des arrondissements dans une recentralisation inscrite dans les gènes des macronistes. »

Tous nos articles élections municipales 2026

« Je ne suis pas opposé à ouvrir la discussion des modes de scrutins dans ces trois villes, assure Emmanuel Grégoire, mais après avoir tenu compte de leurs particularités de taille et de population, de l’attachement affectif des citoyens à leur mairie d’arrondissement, et de leurs responsabilités et compétences par rapport aux intercommunalités, aux métropoles et aux départements. Ensuite nous discuterons de vote. »